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Par éditionslavagueverte le 16 Juin 2023 à 07:00
Eugène Noël est décédé en 1899 à Bois-Guillaume.
En 1905, son buste fut inauguré dans le jardin des Plantes de Rouen.
Un lecteur m’invite, ayant parlé du geai, à parler maintenant de la pie. Je m’en garderai bien.
La pie est un oiseau de tant d’esprit et d’un esprit si rusé, si vif, si intrigant, si gouailleur, elle est d’ailleurs de sa personne si remuante, si brusque d’allure, de vol, de marche, qu’on ne saurait un instant l’observer en repos. J’ai parlé de marche ; mais elle ne marche pas, elle saute. Et comment saute-t-elle ? est-ce en avant ? est-ce en arrière ? en vérité, l’on n’en sait rien, tant elle saute de travers. Tout en ses mouvements est à la fois oblique et comique. Occupée à tout parodier, et ce qu’elle entend et ce qu’elle voit, on dirait parfois qu’elle se parodie elle-même et qu’elle joue à la caricature.
Dans ses actions les plus sérieuses (s’il y a du sérieux pour la pie) elle entremêle la feinte, le jeu, la farce. Sa passion, c’est le dérisoire.
Les voici, par exemple, au printemps, mâle et femelle, très régulièrement mariés. Ensemble vous les voyez s’empresser de bâtir un nid superbe : ils vont, ils viennent, transportent de longues branches, cognent, charpentent, menuisent, maçonnent à grand bruit. Le bec ne leur clôt, la femelle ne cesse de parler au mâle, qui toute la journée répond à la femelle, et le nid, au sommet du plus bel arbre, prend des proportions gigantesques. Eh bien ? ce nid est un faux nid, c’est une farce à l’enfant ou même au chasseur qui les guette. Le véritable nid se fera dès l’aube, avec mystère, en un lieu caché, si haut, sur une branche si faible, que l’enfant le plus léger, le plus adroit ne l’atteindra qu’au péril de sa vie. Combien s’en est-il tué de jeunes dénicheurs de pies ! C’était dans nos anciens villages, en la saison des nids, une histoire de tous les jours et que partout vous entendiez raconter. Je lis dans une vieille comédie :
« Ce pauvre dièble était allé dénicher des pies sur l’orme de la commère Massée. Dame, comme il était au coupiau, le v’la, bredi, breda, qui commence à griller tout à vau les branches et cheit une grande escousse, pouf ! à la renvarse... diable sait de la pie et des piaux ! »
Soyez sûr qu’au pouf du malheureux gars qui en tombant « s’escrabouillit la cervelle » vous eussiez entendu dans le nid le père et la mère pies et les piaux crier en riant l’aventure à toutes les autres pies.
— Ah ! tu voulais, bambin, nous prendre nos petits ! te voilà mort, c’est bien fait !
Et toute une semaine en retentira la Gazette des pies. La Gazette des pies. Ce sont les pies elles-mêmes, les entendezvous redire à milliers d’exemplaires l’aventure ? Ne pensez pas néanmoins que dans le peuple pie, personne s’avisera jamais de prononcer à propos de cet événement les grands mots de justice, de crime ou de châtiment ; non c’est une simple farce, une gouaillerie énorme. L’existence de la pie ne vous présentera qu’une série de ces bons tours malicieusement préparés. La comédie, la comédie grotesque de tout ce qui l’entoure, voilà, le bonheur de la pie, au demeurant bonne fille, malgré ses bavardages et ses commérages, ayant pour l’homme grande sympathie ; mais gardons-nous de dire sympathie et respect.
La pie ne respecte rien ; les ridicules de l’homme sont d’ailleurs trop visibles pour qu’à son endroit elle ne s’en donne pas à cœur joie, volontiers elle entrera dans sa familiarité, mais à la condition de lui rire au nez même en cage.
La laissons-nous libre au jardin ou dans la maison, dès le premier moment elle n’y sera pas seulement libre, elle y sera maîtresse. Eussiez-vous vingt chiens et vingt chats, vous les verrez tous endurer ses agaceries, elle leur fera jouer avec elle les comédies les plus drôles. Vous-même serez contraint d’y prendre votre rôle qui sera souvent celui de victime cocasse ; mais loin de vous en plaindre vous aurez plaisir à ses farces, à ses inventions continuelles, à ses folies, car il y a dans sa cervelle trop active un élément fou ; heureusement, elle semble elle-même ne pas se prendre au sérieux.
Son plumage blanc et noir, mais d’un noir aux reflets superbes où semblent percer le bleu, le rouge, le vert, cette queue longue, effilée, raide et dressée en l’air, ces attitudes singulières, mal d’aplomb, toujours remuantes, cet éternel besoin de voir, de chercher, d’espionner les personnels, de déplacer, emporter et cacher les objets, évidemment pour faire niche, font de la pie une créature à part. Elle a été dans le monde des oiseaux ce qu’a été le renard parmi les mammifères. Elle a empêché qu’on ne crut au manque total d’intelligence chez les animaux ; on a même observé depuis longtemps que la pie sait compter.
Dès leurs premières plumes les petits piaux reçoivent de père et mère des leçons d’arithmétique : on leur apprend à compter jusqu’à cinq.
C’est ici (comme chez le renard), c’est dans l’éducation des petits que la pie a vraiment son beau côté. Pour abriter, nourrir, soigner, éduquer la nichée, nul oiseau ne la surpasse. Sa vie en famille est admirable : concorde, amitié, gaieté, bombance, entretiens joyeux et instructifs, c’est plaisir que d’observer tout cela, même de loin, même en entendant que l’on apprend aux piaux à se moquer du monsieur qui de là-bas regarde.
Eh bien ! n’ai-je pas raison de me refuser à parler d’un oiseau si difficile à peindre, si mobile, si divers, si madré, si comédien, dont la vie semble n’être que déguisement, imitation d’autrui et moquerie perpétuelle ? En parle qui voudra et qui saura ; moi, pour rien au monde, je n’en voudrais dire un mot et vous apprécierez et louerez, j’en suis certain, la prudence du vieux jardinier ignorant.
Extrait du volume 2 "Les bêtes" :
AU JARDIN DU PERE LABECHE
Volume 1 : Les plantes - Volume 2 : Les bêtesEugène Noël
14.8 x 21 cm - 148 pages - (2 volumes)Pour en savoir plus sur ces livres...
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Par éditionslavagueverte le 17 Novembre 2022 à 11:14
50 km, de Mers-les-Bains à Fort-Mahon, partons pour une jolie promenade dans une mosaïque de paysages : falaises, galets, dunes, milieux salés,... Visitons ces musées botaniques spontanés pour mieux connaître et protéger ces plantes typiques du bord de mer ainsi que leurs milieux.
On y trouve des végétaux adaptés à la salinité de l’eau, ainsi que des plantes capables de supporter des inondations périodiques aux heures de marée haute, d’autres sont exposées aux vents, à un fort ensoleillement, à la mobilité du milieu, à la pauvreté du sol en eau et en éléments nutritifs... Ce “spectacle” peut varier très vite, aussi bien de la mer vers la terre qu’en longeant la côte.
Ces zones humides servent à amortir les assauts des tempêtes et protègent les terres de la furie des éléments. Ce sont des refuges très importants pour la vie sauvage et c’est aussi un des milieux les plus productifs du monde...
A la base des dunes, la végétation est influencée par la venue des hautes marées, c’est alors qu’on y trouve : Chiendent, Festuque glauque, Euphorbe paralias, Roquette des dunes ainsi que l’Oyat appelée localement "Gourbet". Au creux des dunes, on aperçoit l’Orchis incarnat. Sur un sable relativement plat, apparaît un tapis vert, composé de plantes aux feuilles grasses qui se nomment Honckenia faux pourpier ainsi que Salsona Kali, une épineuse aux feuilles coriaces qui fait penser aux cactus. Le Liseron soldanelle est une rampante qui s’est installée grâce à l’Oyat, sa feuille est en forme de cœur. La Luzerne cultivée a aussi élue domicile dans les dunes mouvantes, ses couleurs virent du jaune au bleu violacé.
382 espèces végétales y ont été recensées, 64 sont très rares et 4 sont protégées : Liparis de Loesel, Pensée des dunes, Pyrole des sables, Elyme des sables.
Extrait de :
FOLKLORE
BOTANIQUE ET CULINAIRE
DU PAYS DE SOMME
Flore Deschamps
15 x 21 cm - 160 pages - Illustrations et reproduction cartes postales anciennes
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Par éditionslavagueverte le 4 Mars 2022 à 06:00
Eugène Noël dit "Le Père Labêche" était un jardinier normand précurseur de l'écologie.
Le jardin dans lequel je passai mes premières années, d’une étendue fort restreinte, était très retiré, très solitaire. De grands murs l’entouraient, tapissés de vignes que, par bonheur, on ne taillait presque jamais. Je passais là des journées entières à planter et à déplanter, à regarder croître mes plantes. Les premières que je remarquai, que j’aimai d’un véritable amour, furent un rosier du Bengale et un lis blanc. Souvent je m’asseyais entre mes deux préférées, et, tantôt avec l’une, tantôt avec l’autre, je faisais les plus étonnants dialogues. Je les sentais si bien vivre avec moi d’une vie commune, que volontiers je les aurais appelées sœurs, comme faisait un anachorète dans son désert : Soror, amica mea, cicada... (O ma sœur la cigale !) On me voyait pleurer lorsqu’il arrivait quelque accident à mes fleurs. Je n’ai battu qu’une seule personne en ma vie : ce fut une petite fille (je me le reproche bien), laquelle m’arracha, au moment où il allait fleurir, un pois-fleur que j’avais semé de ma main et cultivé avec des soins que vous ne croiriez point. Je l’élevais dans un pot, et il ne me quittait en aucune circonstance. Aux repas, je le posais près de moi, et, lorsque j’apercevais quelque part un rayon de soleil, aussitôt j’y portais mon pois. Les enfants du voisinage se moquaient de moi, mais que m’importait, pourvu que mon pois vécût ! J’entrais dans le ravissement, dans l’extase, dans des rêves sans fin, lorsque je venais à considérer qu’une si jolie plante était venue d’un petit grain noir, tout sec, mis dans un peu de terre.
Ce qui vous étonnera peut-être beaucoup, c’est que, dans mon enthousiasme à ce spectacle de la végétation je crus que toute chose poussait de la même manière. Je n’avais pas fait encore la distinction des trois règnes. Je dis fait, car on ne me l’a point apprise. J’y suis arrivé moi-même ; voici de quelle manière :
Un jour que l’on avait chez nous mangé de l’alose, ce poisson m’ayant paru excellent, j’en recueillis les arêtes et courus les planter dans mon jardin. Je les arrosais soir et matin ; mais, hélas ! rien ne poussait. Après avoir attendu longtemps avec une patience admirable, je les déterrai. Que trouvai-je ? L’histoire ayant été sue, l’on, se moqua de moi ; je vis bien alors que certaines choses poussaient, se formaient, naissaient autrement que les plantes.
Extrait de :
LA VIE DES FLEURS
et les doux mystères de la nature
Eugène Noël
14.85 x 21 cm - 96 pagesPour en savoir plus sur ce livre...
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Par éditionslavagueverte le 9 Décembre 2021 à 06:00
Extrait de la collection « La vie privée d’autrefois », volumes concernant « Les animaux », cet ouvrage est une étude complète et passionnante rédigée d’après de nombreux documents originaux ou inédits traitant des modes, mœurs et usages du XIIe au XVIIIe siècles.
On y découvre, parfois avec étonnement, comment nos ancêtres percevaient et vivaient avec les animaux au cours des siècles.La zoologie au XIIIe et XIVe siècles - Les mammifères - (extraits)
- CHÈVRE
Les chèvres respirent, non par le nez, mais par les oreilles. Elles voient dans l'obscurité aussi bien qu'en pleine lumière et leur odorat est très fin. Leur dent est nuisible à plusieurs arbres : il est reconnu que si elles mordent l'olivier, elles le rendent stérile.
« Le bouc est une beste jolie et amoureuse, ses yeulx regardent de travers en signe de luxure. » Il a toujours la fièvre. Son sang est assez chaud pour briser le diamant qui, comme on sait, ne peut être entamé ni par le fer, ni par le feu ; aussi ce sang, pris en boisson, estil un remède souverain contre la gravelle et la pierre. L'odeur de sa corne brûlée chasse les serpents et son fiel éclaircit la vue.
Le chevreau est doux et ne blesse personne. Sa chair doit être préférée à celle de l'agneau.
- LOUP
Le loup est un animal terrible. Sa morsure est venimeuse, parce qu'il se nourrit volontiers de crapauds. Il est, comme le chien, sujet à la rage. L'herbe ne repousse plus là où il a passé. Les paysans disent que l'homme vu par un loup devient muet, mais si c'est l'homme qui voit d'abord le loup, celui-ci perd sa force et sa hardiesse.
Ses yeux « reluysent par nuict comme chandelles. » Il marche toujours dans le sens du vent, afin de faire perdre sa trace aux chiens. Quand il hurle, il met son pied devant sa bouche, « pour monstrer que ce soit de plusors loups. », il aiguise ses dents au moyen d'une herbe appelée origan. Faute de mieux il se nourrit de vent et de terre; mais ce sont là pour lui des jours de jeûne bien pénibles à supporter, car sa gourmandise est telle qu'il va jusqu'à disputer à ses petits la nourriture que leur apporte la mère. Écoutez le comte de Foix :
Quant ung loup et une louve se sont acompaignés (associés), ilz demourront tousjours voulentiers ensemble. Et pour quant que ilz aillent quérir leur proye loing, l'ung de ça et l'autre de là, il ne sera que la nuit ne soient ensemble s'ils peuvent, et se non, au mains (au moins) au bout de trois jours.
Et telz loups ainsi acompaignés portent à mengier à leurs enfans, aussi bien le père comme la mère, fort tant (à cela près) que le loup menge premièrement son saoul, et le remenant (le reste) porte à ses cheaulx (on nomme ainsi les petits du loup, du renard et du chien). La louve ne fait pas ainsi, car elle porte, ainsois que elle mengeue, tout à ses cheaulx et mengeue avec eulx. Et si le loup est avec les cheaulx quant la louve vient, il oste la proye à elle et à ses cheaulx, et mengeue son saoul premier ; et puis laisse le remenant s'il en y a, et si non si meurent de fain se ilz veullent.
Et quant la louve voit ce, elle est si faulce et si malicieuse que elle laisse la viande qu'elle porte loing de là où les louveteaulx sont, et vient voir si le loup y est. Et se le loup y est, elle attendra jusques à tant qu'il s'en soit alé, et puis aportera la viande à ses louveteaulx. Mais le loup, qui est aussi malicieux, quant il voit venir la louve sans nulle proye, il la fleure (flaire) à sa bouche. Et se il sent qu'elle ait riens aporté, il la prent aux deus et la bat tant que il convient que elle luy monstre où elle a laissié sa proye... Aucuns dient que elle se baigne et corps et teste quant elle revient, afin que le loup n'y sente rien que elle ait aporté. Mais je ne l'affirme mie.- SINGE
Le singe « est une beste camuse, qui est en moult de choses semblant à l'homme et qui contrefait ce qu'elle luy voit faire. » La lune a une grande influence sur son humeur. Il se montre d'une gaîté folle lors de la lune nouvelle, mais l'arrivée de la pleine lune le rend « mélancolieus. »
Son instinct d'imitation est souvent cause de sa perte, voici comment.
Les veneurs placent sur sa route une paire de souliers. En les apercevant, le singe se souvient de ce qu'il a vu faire, il introduit soigneusement ses pieds dedans, et en devient le prisonnier : il « ne peult fuyr à cause des souliers. » La femelle porte deux petits, elle adore, l'un et « despite l'autre.»
Quand on lui donne la chasse, elle prend son chéri entre ses bras, jette le second sur ses épaules et s'enfuit. Mais si la poursuite s'accélère et que la guenon craigne pour elle-même, elle ouvre les bras et abandonne le fils qu'elle tenait, tandis que l'autre reste si bien cramponné après elle qu'elle ne peut s'en défaire. Le singe « mange de toutes viandes et se délecte à ordes choses, il quiert les poulz ès testes des gens et les jette en sa bouche quand il les a trouvez. »
Il existe différentes espèces de singes, et en très grand nombre.
Les uns ont barbe au visage et large queue ; d'autres ont longs cheveux pendants et sont faciles à apprivoiser ; d'autres « que nous appelons marmottes, » ont la queue très fournie ; d'autres enfin, à figure assez gracieuse, sont très joueurs. Leur morsure est parfois dangereuse.Extrait de :
LES ANIMAUX AUTREFOIS
Modes, mœurs et usages
Alfred Franklin
15 x 21 cm - 272 pages - avec illustrations d'époquePour en savoir plus sur ce livre...
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