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    1757 à 1776. - Qu’on nous permette de placer ici quelques lignes sur ce fléau destructeur, avant de donner des détails sur la plupart des inondations qui sont venues ravager la ville de Doullens et ses environs, pendant le cours du XVIIIe siècle.
    On sait qu’une inondation produit, comme la prise d’une ville, des ravages plus on moins considérables : mais il est de notoriété que l’on supporte avec beaucoup plus de résignation les pertes causées par les eaux furieuses, que celles qui sont toujours le résultat de la lutte de deux corps d’armée. Cela vient de ce que les anciens se croyaient obligés de se soumettre à cet élément invincible, tandis qu’on ne voyait qu’avec désespoir des ennemis se ruer les uns sur les autres, et au milieu de populations innocentes, pour satisfaire leur haine ou leur ambition.
    Ces réflexions ont pour put d’expliquer pourquoi nos aïeux ont gardé le silence sur les inondations qui ont affligé la ville antérieurement à 1757. Il y avait du reste pour Doullens une cause qui l’obligeait à se soumettre au torrent des eaux et une impossibilité réelle d’apporter un remède à la situation dans laquelle la ville se trouvait, par rapport au sol d’une vallée étroite et profonde, et conséquemment presque constamment submergée ; c’était là son état normal, tandis que maintenant, par suite des alluvions qui se sont produites et des travaux de redressement et d’élargissement des fleuves et des rivières, les écoulements se font avec beaucoup plus de facilité.
    Sous ce rapport, Doullens a reçu d’heureuses améliorations. Il suffit de citer un fait pour en être convaincu : vers le commencement du siècle actuel, les inondations étaient encore si considérables, qu’un certain nombre d’habitants de cette ville se trouvaient forcés de quitter instantanément le rez-de-chaussée de leur maison pour monter au premier étage, laissant aux eaux sauvages la facilité de ravager cette partie de leur rez-de-chaussée, où elles ne laissaient en se retirant qu’un air et une humidité fort insalubres.
    Dans d’autres localités, on a vu le trop-plein des rivières prendre son cours dans les rues parallèles où se trouvaient en permanence des coulisses aux portes, pour y introduire au premier signal donné des planches assemblées, afin de lutter autant que possible contre l’envahissement des eaux bourbeuses.
    Dans l’intérieur de ces maisons, au rez-de-chaussée, on conservait les gros meubles attachés au pied d’un poteau au moyen de chaînes en fer.

    Les inondations à Doullens

     
     

    1757, janvier. - La nuit du 21 au 22 janvier 1757 et le jour suivant, les eaux ont monté à plus de quinze pieds au-dessus de l’ordinaire de la rivière l’Authie ; plus des deux tiers de la ville ont été inondés, plusieurs maisons renversées, et si une partie des murs à l’endroit nommé l’Arche ne se fût point écroulée, la ville était submergée.
    Au nombre des maisons que l’inondation avait détruites, se trouvait celle dans laquelle était restée seule une jeune fille du nom de Charlotte Fortel, qui put se sauver en restant assise sur la poutre du plancher de sa chambre, au premier étage.
    Ce plancher avait dû céder à la fureur des eaux, mais la poutre y ayant résisté, et la jeune fille ayant pu s’en faire une ancre de salut, elle resta suspendue sur l’abîme pendant une grande partie de la journée du 22 janvier.
    Mlle Fortel, que nous avons connue, est décédée à Doullens en l’année 1835.

    1771, janvier. - Les rivières l’Authie et la Grouches, sorties de leur lit le 9 janvier, occasionnèrent une seconde inondation qui causa bien du dommage et ébranla beaucoup de maisons.
     

    1776, 15 août. - Un orage accompagné de pluie, de grêle et d’un vent impétueux, cassa, déracina les arbres, dévasta les jardins et fit de plus grands ravages encore dans la campagne, où la moisson n’était point finie. Il ne resta d’autres ressources que de mettre la charrue dans les grains brisés et d’en faire des engrais.
    C’est peu de temps après ce dernier sinistre, que le roi ordonna la démolition du moulin dit du Roi, et fit disparaître les maçonneries qui, en rétrécissant, le cours d’eau sur ce point, faisaient refluer les eaux de l’Authie dans la ville et les Lorrains environnants.
     

    1823, 29 janvier. - A huit heures du matin, plusieurs soldats du régiment des chasseurs de l’Isère, se rendant de Bernaville à Doullens, sont, entre les moulins de Hem et les Haies-Warts, entraînés par le débordement de l’Authie. Ces militaires échappent à la mort par le courage de Joseph Laurent, dit Rencontre, garçon meunier à Hem, Charles Mallart et Antoine Souverain, habitants des Haies-Warts.
    A la suite de ce sauvetage, il intervint un arrêté du préfet du département de la Somme par lequel il fut accordé une gratification aux sus-nommés. Un peu plus tard, le ministre de l’Intérieur accordait à Mallart, ancien soldat d’Égypte, une médaille ayant d’un côté le portrait de Louis XVIII, et au revers ces mots : « Le ministre de l’Intérieur à Charles Mallart, pour avoir sauvé deux chasseurs de l’Isère qui se noyaient aux Haies-Warts, le 13 janvier 1823.
     

    1826, le 2 juin. - Des orages fondent sur Doullens et y amènent des eaux qui occasionnent des
    pertes considérables dans plusieurs familles.

     

    Extrait de : 

    Doullens  HISTOIRE DE DOULLENS et des localités voisines
     
      A.-J. Warmé

      
    14 x 21 cm - 336 pages

    Pour en savoir plus sur ce livre...

     

     

     

     

     


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    Selon Jules Verne, qui écrivit vers 1880 une Géographie humaine du département de la Somme, nous étions encore environ 10 000 à cette époque à vivre chaque jour aux côtés des gens de ce Pays.
    On nous rencontrait la plupart du temps dans les fermes, grandes et petites, chez les maraîchers et chez les pépiniéristes, mais aussi au service des propriétaires de châteaux ou autres grandes demeures où nous nous attelions à diverses taches, soit dans le domaine du transport, soit plus rarement pour aider à la culture.
    Il n’était donc pas rare de nous croiser sur les routes tirant au petit trot une voiture parfois lourdement chargée, ou de nous apercevoir quelquefois creusant des sillons au milieu d’un champs avec une herse ou même une petite charrue.
    Amis et souvent confidents des hommes et des enfants, nous avons ainsi entendu de nombreux contes ou poèmes que nos maîtres ont composés en notre honneur.

    Lettre d'un âne : souvenirs de nos ancêtres

    En voici un fort agréable à nos belles oreilles de beudets picards :

    Min beudet
    par Esbert Randsaint (Bertrand Saintes de Domart en Ponthieu - 1924 -)

    Min beudet ch’est min camarade
    O s’connoait édpi pu d’vingt ans
    Tous les jours, insanne, o s’ballade,
    D’un cotè, dl’eute, par tous chés temps.
    I carrie min bos, min feumier,
    Aveu m’récolte éd chaque énnée
    I m’rimplit m’cave pi min garnier,
    Sans jamoais s’plainde qu’il est ténè.

    Inne botte éd fin, un feure d’avénne,
    Nin feut point d’plus pour él norrir,
    Aveuc pour li donner dl’haleinne,
    Un picotin pour miu courir.

    Min beudet qu’i s’appélle Jeannot,
    A no évéque i rsembleroait,
    Si à l’plache d’él porter dsu l’dos,
    Sauf réspect, su s’panche, l’avoait s’croèx.

    Bién éterqui édsu ses pattes,
    I n’s’éffraie mie jamoais dé rien ;
    Il est contint quante o ll’aflate
    Ch’est un boin beudet qu’él mien.

    Il aime autant qu’mi s’prumener :
    Pour li, n’est point besoin d’cachoère,
    I sait qu’sin dvoér ch’est d’trimer,
    Aussi, n’mé trache jamaois d’histoéres !...

    Ch’est un malin éq min beudet,
    Méme qu’i sait lire à chés inseignes :
    Quante i rinconte un cabaret
    Ej n’ai point besoin d’li foaire singne,

    Tout drét, vite i s’arréte à l’porte
    Et pi, aveuc patienche, m’attind
    Sans bouger, jusqu’à temps qu’éj sorte...
    Ch’est un beudet intérligint.

     

     


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  • Les toiles d'Hallencourt

    C’est à Hallencourt même que se fabriquent les plus belles toiles du canton : « Les fabricants d’Hallencourt, dit M. Pringuez, méritent d’être cités par les soins qu’ils apportent dans la fabrication des toiles et de plusieurs autres tissus en fil et en coton. »

    Voici encore à propos de cette industrie locale la note que je retrouve dans mes cartons et dont je ne puis me rappeler l’auteur : « Hallencourt, pays industriel, très intelligent, pas mal processif. On y tisse les plus belles toiles à matelas de l’arrondissement, très belle qualité, très bien faites, de bonne teinture ; des linges de table fabriqués avec des métiers à la Jacquart, des étoffes bleues, en coton pour jupes, pantalons et vestes ; grosse toile aussi. »

    J’abandonne à l’auteur obligeant et inconnu la responsabilité de l’insinuation satirique de cette note. La réputation des toiles d’Hallencourt est ancienne, déjà. Dom Grenier en parle : « Les toiles ouvrées, dit-il, destinées à faire nappe, qui se fabriquent à Hallencourt, doivent avoir une aune trois quarts, mesure de Paris, et après le blanchissage, une aune et demie et demi-quart, même mesure, arrêt du conseil d’état du roi, du 8 avril 1749. »

    Ernest Prarond

     

    C’est aujourd’hui (en 1868) le centre d’une grande fabrication de toiles, toiles à matelas, linge de table, fabriqués à la Jacquart ; des étoffes bleues en coton pour jupes, pantalons et vestes ; coton filé. Ces fabriques ont une maison centrale à Paris.

    Florentin Lefils

     

     

    Extrait de :  

    Villes & Villages
     
     HALLENCOURT ET SON CANTON
     
     
      Ernest Prarond
     
      15 x 21 cm - 164 pages avec cartes postales anciennes et illustrations.

     

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  • Les verrotières au Crotoy et à Cayeux sur Mer

    Au Crotoy...

    C’est une troupe bien gaie, bien vigoureuse, bien alerte, que ce bataillon de verrotières, comme on les appelle, qui passe à chaque marée, en caquetant, racontant tour les incidents de la journée, sachant rire, sachant discuter, parlant de tout et du reste ; toujours très proprettes dans le petit costume spécial qu’elles revêtent pour leur travail favori ; une mine toujours rieuse ayant un bon mot, un bon petit conte pour chaque passant.
    Avec quel bonheur elles croustillent un morceau de pain et une pomme, en faisant la route !
    Vous aurez plaisir à remarquer ces gaillardes solides, aux mines engendrant la prospérité, défiler régulièrement, humer ce bon air de la Baie, dans l’espoir de rentrer avec une cargaison de vers, toujours plus importante que la veille. Le commerce du ver peut compter pour un chiffre de cent mille francs par an. En quelques heures, des gamins peuvent arriver à gagner 2 à 3 francs.

    O. Meurant et F. Poidevin

     

    A Cayeux aussi...
    Au siècle dernier et jusqu’aux alentours de 1920, c’était par escouades que les femmes en majorité allaient labourer le sable sur la lisières du flot. Les habiles travailleuses pouvaient à ce métier gagner en moyenne un franc par récolte (1885), mais elles ne travaillaient pas tous les jours. Les centralisateurs du produit de leur travail ne les enrôlaient que lorsqu’ils recevaient des commandes des grands ports environnants. Ces vers servaient surtout à Dieppe pour boîter les lignes de pêche et plus spécialement celles qui servent à la pêche du merlan. En 1852, le commissaire de la marine de St-Valery s’était rendu sur les lieux de pêche et avait constaté que quatre-vingt personnes, tant hommes, femmes et enfants pratiquaient cette pêche. Avec les nouvelles techniques et les nouveaux leurres, ce métier a disparu et nous retrouvons maintenant que quelques pêcheurs à pieds qui utilisent cet appât pour amorcer leur ligne sur le sable.

     

    Les verrotières au Crotoy et à Cayeux sur Mer

     

    Récit de Mme Bourgau, verrotière au Crotoy jusque dans les années 1970.
    Vous voyez, on emmenait un seau en bois, encore que j’ai souvenir d’avoir utilisé aussi d’autres récipients comme d’anciens bidons d’essence, et une pelle faite d’un long manche en bois et d’un petit palot. On se servait également de « fourchets ». On n’oubliait pas d’enfiler son « garde cul » une espèce de jupe en gros tissu fort ample de derrière, qui nous protégeait pendant notre travail.
    On nouait un foulard sur la tête ou une calipette, sorte de bonnet blanc ou noir, car les femmes de cette époque étaient souvent en deuil.
    On chaussait une paire de galoches, les pieds nus mais les jambes protégées par une paire de vieux bas en laine noire, raccommodés jusqu’à la corde, coupés aux pieds. Une fois sur place, pour éviter que le « garde cul » ne trempe dans l’eau quand on se baissait, on le fixait avec les deux cordons qui pendaient de chaque côté.
    Le meilleur moment pour pêcher le ver, c’est lorsque la mer arrive. Il la sent et il remonte un peu. On en ramenait jusqu’à 4 ou 5 kilos ; ça représentait des centaines de vers qui pouvaient être de 4 sortes différentes : le plus petit, c’était le ver « à keuque » ou ver rouge. Le ver à l’œil était long comme un doigt, le ver au potet et le ver ganne étaient beaucoup plus grands. Le ver ganne qu’on appelait aussi le gros ver ou ver marin pouvait être aussi long qu’un demi-bras. On le trouvait en bord de mer et il fallait le chercher à bout de bras presque couché par terre pour l’attraper. Le ver à keuque, lui se trouvait assez loin de la mer et surtout dans la baie.
    Chacun d’entre eux avait une place bien particulière et pour les trouver, on se fiait aux « chies » de vers, ces petits tas de sable en colimaçon rejetés par les vers. On savait à leur présence si le ver était marqué ou pas. Si on ne trouvait rien, on disait : « Aujourd’hui le ver, y n’est point marqué ».

    Extrait de Terre Picarde, n° 14

     

     Pour + d'infos : voir nos publications sur Le Crotoy et Cayeux sur Mer : Villes & Villages

     

     


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  • De nos jours, il est utile pour voyager d’utiliser un guide. Au temps des diligences, nos aïeux devaient, de même, se renseigner sur les routes, les villes à visiter, les villages, les points de vue intéressants, et sur les relais de poste.

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