• Autrefois, nos ancêtres ne dédaignaient pas les produits des « faiseurs d’eau-de-vie » (corporation des vinaigriers, aigriers, moutardiers et faiseurs d’eau-de-vie), les pots de cidre, encore moins le vin clairet, et ce n’était pas sans raison que l'on chantait le couplet populaire :

    Quand j’ai bu du vin clairet,
    Tout tourne, tout tourne,
    Tout tourne au cabaret.
     
    Mais on n’en estimait pas moins que l’abus « des bonnes choses » pouvait entraîner l’ébriété, et, à la longue, l’ivrognerie ou l’alcoolisme ; l’hygiène étant, avant tout, synonyme de modération. Pourtant, vers le milieu du XVIIe siècle, la modération et la tempérance n’étaient pas la règle. En 1664, les « cabarettiers » allaient même jusqu’à recevoir, « à des heures indûes, les enfants de familles » pour jouer et boire ; « sur quoy il arrivoit plusieurs disputes avec serments et blasphèmes contre le sain nom de Dieu ». Nos pères n’étaient pas seulement normands chicaniers, mais encore batailleurs en diable, (le lexique patoisant est riche quand il s’agit de rixes et de coups : baffe, verdée, taloche, rossée, roulée, saucée, secouée, silée, flaupée, tambourinée, tatouillée, pile, volée, frottée, râclée, beigne, tripottée, scionnée, etc.) et, bien entendu, les rixes survenaient après boire quand le vin clairet faisait tourner les têtes au cabaret. Alors, les coups de bâtons pleuvaient drus, on tirait l’épée, on attrapait des estafilades, enfin l’affaire se terminait, à grand renfort d’enquêtes, au bailliage criminel (tarif des peines établies d’avance pour causes de voies de fait, en raison de leur fréquence : coup de poing, 12 deniers ; coupe de poing avec pierre, 5 sols ; coup de paulme, 5 sols). En vue de remédier à cet état de beuverie désordonnée, le procureur du roi fit défense aux « hostes et tavernyers de vendre aucune boisson aux dits enfants de famille comme aux dits habitants passé huit heures du soir, depuis Pâques jusqu’à la Toussaint, et, depuis la Toussaint jusqu’à Pâques, passé sept heures, à peine de vingt livres d’amande ». N’allez pas croire cependant à l’heureux effet de l’ordonnance ; non, on continua à boire avant ou après les huit heures sonnées aux clochers des églises paroissiales, les disputes se manifestèrent comme par le passé, et le bailliage ne perdit pas une affaire.
    De temps immémorial, si la pinte de cidre présidait souvent à la conclusion des marchés, le vin apparaissait non moins fréquemment sur les tables des cabarets.

    Extrait de "Choses Normandes", 1903, Léon Boutry.

     

     


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  • Guillaume Manier et ses compagnons de route, Jean Hermand, Antoine Vaudry, et Antoine Delaplaces, surnommé bientôt Delorme, quittent très officiellement Carlepont le 26 juillet 1726. Ils possèdent leurs certificats de pèlerins, établis respectivement par le curé du village, l'évêque de Noyon et le maire de la même ville. Avant leur départ, une messe a été célébrée à leur intention selon la coutume.
    Guillaume prend des notes en cours de route. Il ne les mettra en forme que dix ans plus tard, ajoutant ici et là quelques passages recopiés dans des guides de voyage. Se livre-t-il à cet exercice de rédaction pour le plaisir de garder le souvenir de son périple ? Pour le transmettre à ses descendants ? Pour passer à la postérité ? Nous l'ignorons, mais cette volonté d'écrire est d'autant plus méritoire que le modeste tailleur n'a rien d'un homme de lettres.  
    La carte de l'itinéraire suivi par Guillaume Manier montre qu'il emprunte très logiquement la route de Paris, première étape marquante de son périple. Il séjourne durant trois jours dans la capitale, le temps de faire viser son passeport par le gouverneur de la place, "le duc de Gèvre". Les formalités administratives pour passer d'une juridiction à l'autre sont obligatoires. Puis ce sont les villes d'Étampes, Orléans, Blois, Amboise, Poitiers, Saintes, Bordeaux et Bayonne.  

    Un pèlerin picard sur le chemin de St-Jacques de Compostelle

    Carte générale de l'itinéraire du pèlerinage de Guillaume Manier en 1726-1727.


    Le pèlerin scrupuleux note les curiosités propres à chaque localité ou région, ainsi la statue de "cette pucelle (qui) se nommait Jeanne Darcq"  à Orléans, le "fort beau château" de Blois, la grande "quantité de caves, hors de la ville, dans des rochers" près d'Amboise, "le pavé de (Poitiers) fort petit et pointu comme celui de Verdun", le port de Bordeaux qu'il décrit "comme une forêt de bois, pour la quantité de mâts de vaisseaux qui remplissaient ce port, au nombre de plus de 200." Les Landes où "les vachers /…/ sont obligés de marcher avec des échasses de trois ou quatre pieds de hauteur de l'eau", lui semblent "le pays le plus ennuyeux du monde". Guillaume remarque la récolte de résine sur les troncs des pins : la forêt de pins et la pratique du gemmage existaient déjà au début du XVIIIe siècle. "Daxe" l'étonne par son eau qui "se convertit en pierre et se gèle comme glace, formant mille figures différentes". "La ville est à peu près comme Noyon," précise-t-il un peu plus loin. Il compare à plusieurs reprises les villes qu'il traverse à celle qu'il connaît le mieux, Noyon.
    L'arrivée dans une localité réserve parfois des surprises. Le spectacle peut être impressionnant, comme à Blois : "En entrant à cette ville, nous avons vu plusieurs cadavres pendus et rompus : un pour avoir volé un carrosse, l'autre pour avoir habité avec une vache". Dans certains cas, la surprise se révèle agréable, comme à "Xaintes" ou un habitant originaire de Carlepont mais établi en Saintonge depuis son mariage avec une Rochelaise, est tellement heureux de voir ces quatre Picards "qu'il croyait que ce fût un rêve". Ce soir-là ils dînèrent et couchèrent "splendidement" ! Un peu plus loin, à Lajard, la rencontre est d'un autre ordre : "nous avons vu un homme roué, en chemise fine, de la compagnie de Cartouche, nommé Brides-les-Bœuf et son garçon Brides-les-Vaches".  Après avoir noté l'information et sans plus de commentaires, Guillaume passe à l'étape suivante, preuve que le spectacle n'est pas inhabituel à l'époque. Les pèlerins séjournent une semaine à Bordeaux et participent aux vendanges.
    Guillaume Manier gagne l'Espagne par la route du littoral (Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Irun et Hernani).

     

    Un pèlerin picard sur le chemin de St-Jacques de Compostelle

    Santiago de Compostelle (St-Jacques de Compostelle), la cathédrale, construite de 1078 à 1130.

     

     Le livre :

    Pèlerinage d'un paysan picard à St-Jacques de Compostelle...

     

     


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    D'un même pain - Ultimes réflexions

    par Robert Mallet

     

    Vient de paraître...

     

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  • L’histoire du bourg d’Ault, depuis les temps les plus anciens, n’est rien d’autre qu’un long combat : pas à pas la mer avance, mètre par mètre la falaise recule, et les malheureux Aultois, sans cesse arc-boutés, s’acharnent à retarder cet assaut séculaire, voyant avec angoisse leurs habitations s’effondrer dans l’abîme, leurs rues s’approcher du précipice et leur territoire, semblable à une peau de chagrin, se rétrécir de jour en jour. Il n’est pas exagéré de parler ici de drame lorsqu’on sait qu’une grande partie du vieil Ault -nouvelle ville d’Is picarde- est déjà sous les flots...

    Jean Monborgne, 1981

     

    Ault, quand la falaise recule

    Vue illustrant la fin des falaises et le début de la digue suivie au nord du cordon de galets.

     

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  • En ce temps-là, le fils avait accepté du père son intempérence de démiurge. Le père aimait le fils qui commençait à écrire comme “ un Dumas ”. Le fils tapait le père de l’argent que buvait à grands crus son  existence dissolue. A vingt ans, la vie était trop belle. Elle manquait de passion. Eugène Déjazet, le fils gâté d’une théâtreuse, lui présenta un soir au théâtre une étrange jeune femme pâle, une danseuse très brune cernée d’hommes mûrs qui lui avaient offert des rivières de diamants. Elle s’appelait Alphonsine Plessis. On l’appelait Marie Duplessis. Elle avait vingt ans et jouissait déjà d’une grande expérience de courtisane. Elle aimait les camélias blancs et toussait beaucoup car la tuberculose la rongeait. Alexandre-fils tomba amoureux de Marie Duplessis. Mais il dut partager cette héroïne romantique de la vie parisienne avec ses richissimes amants qui l’entretenaient fastueusement. Elle le trompait tous les jours, mentant effrontément aux uns comme aux autres. Deux mois après le premier baiser, la passion Alexandre-fils tournait au cauchemar. L’amant de cœur de Marie rompait le 30 août 1845 en adressant à sa maîtresse une lettre très amère. Mais le souvenir de cet amour impossible, allait décider de la carrière littéraire d’Alexandre Dumas-fils.
     

    Dumas père ou Dumas fils ?

    Dumas fils devant une table avec un médaillon sur le mur représentant son père. Dessin de Guth, Collection Hournon.


    Dumas père passa sa jeunesse dans l’Aisne...
    1802 - Naissance le 2 juillet à Villers-Cotterêts (Aisne) d'Alexandre Dumas-père.  
    1812 - Au collège de l'abbé Grégoire, Alexandre apprend un peu de latin et de littérature et il découvre les secrets de la grande forêt de Retz.
    1815 - Le petit Dumas braconne en forêt de Retz.
    1816 - Alexandre remplit les fonctions de clerc de notaire à Villers-Cotterêts chez maître Menesson.
    1822 - Alexandre est employé à Crépy-en-Valois chez maître Lefèvre.
    1824 - Naissance à Paris le 27 juillet au 1 rue des Italiens  d'Alexandre-fils. Sa mère Catherine Labay est lingère.  
     

     


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