• Quelques histoires d'escroquerie à la Belle Epoque

     

    Le monde des voleurs a lui aussi son aristocratie.

    En juin 1892, Alphonse Patte, employé de bureau chez Momy, négociant à Amiens, est licencié pour son manque d’assiduité. En personne prévoyante, il s’était procuré à la banque des reçus en blanc sur lesquels il avait apposé la griffe de son patron. En quittant son travail il s’installe dans un appartement luxueux , au 19 rue Delambre à Amiens, et prend le nom de vicomte de Noirtal. Il fréquente l’Eden Concert, paie des soupers fins de plusieurs centaines de francs, dépense au jeu des sommes considérables et parcourt le centre ville à cheval suivi d’un domestique en livrée. Pour un aussi brillant cavalier le titre de vicomte de Noirtal semble bien modeste et le bruit court en ville qu’il serait le fils du duc d’Orléans. Certes, son ramage n’est pas à la hauteur de son plumage et on le trouve un peu grossier dans ses manières et dans son langage, mais l’argent qui coule à flot – il soustrait à la banque 54 000 F de juillet à décembre en 26 retraits – prouve assez qu’il est un homme du grand monde.
    Les meilleures choses ont cependant une fin, et, après six mois d’une vie princière, l’escroquerie est découverte. Voilà donc notre vicomte devant la Cour d’Assises de la Somme qui le condamne le 17 juillet 1893, à trois ans de maison de correction. Car, ce n’est pas le moins étonnant de l’affaire, au moment des faits, le « vicomte de Noirtal » était âgé de 14 ans.

    Quelques histoires d'escroquerie à la Belle Epoque


    Les escroqueries et abus de confiance n’ont pas toujours ce panache, il s’agit le plus souvent de faux et usage de faux comme pour ce marchand de bois de Boves condamné à deux ans de prison en juillet 1894. Parfois on voit comparaître un négociant en faillite frauduleuses ou un notaire indélicat comme celui de Mailly Maillet qui comparaît devant la Cour d’Assises le 5 juillet 1893 : 48 abus de confiance qualifiés sont retenus contre lui qui portent sur un montant de 64 000 francs, sans compter de nombreux détournement d’argent provenant de fermages perçus et non portés au compte des propriétaires. On peut lire dans Le Petit Doullennais « …Il était toujours au café, mangeait toujours dehors, payait pour tous ceux qui se trouvaient en sa compagnie, entretenait des maîtresses nombreuses ». Il fut condamné à 3 ans de prison, une peine identique à celle qui fut infligée au cours de la même session à une domestique accusée de vol au préjudice de sa maîtresse.
    L’affaire Raquet, qui fut à l’époque un des grands scandales financier de la région, fut dénoncé dans l’Humanité du 29 mai 1904. G. Raquet, fils d’un sénateur de la Somme, directeur de la société « La Coopérative du Nord », avait fondé un journal : Le Progrès Agricole, qui, le capital de confiance apporté par son sénateur de père aidant, compta vite plus de 20 000 abonnés répartis sur plusieurs départements. Sur sa lancée il fonde un laboratoire d’analyse, une usine de fabrication d’engrais, une autre de fabrication de machines agricoles qui en une seule année vend 1800 moissonneuses-lieuses. Enfin pour couronner l’édifice, et surtout attirer l’argent et la clientèle, il fonde aussi une caisse de crédit. Mais on s’aperçoit bientôt que tout est construit sur un gouffre financier : un négociant de Londres perd 300 000 F, diverses sociétés perdent des sommes de plusieurs centaines de milliers de francs, d’innombrables petits actionnaires paysans sont spoliés. Notre brillant entrepreneur est donc arrêté et termine sa fulgurante carrière dans la prison d’Amiens.
    D’une manière générale les escrocs, hormis naturellement les personnes spoliées, s’attiraient plutôt une sympathie amusée de la part de l’opinion publique et dans les affaires les plus importantes, la foule des grands jours, où se pressaient les femmes du beau monde, accourait à l’audience. Les tribunaux, pour leur part, on vient d’en voir quelques exemples, faisaient généralement preuve de compréhension, voire d’indulgence à l’égard des accusés.

     

    Extrait de :

    Picardie Belle Epoque DÉLINQUANTS ET CRIMINELS

     DANS LA PICARDIE DE LA BELLE ÉPOQUE

      Pierre Desbureaux 
     
      14 x 21 cm - 122 pages - Essai

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