-
Les sots de Ham !
« Le Picard est né malin, c’est le Français par excellence... son pays offre le rare exemple d’un terroir où l’esprit pousse et où la vigne ne pousse pas. »
M. Francis Wey qui commence ainsi sa charmante monographie du Picard devait-il faire une exception pour les hamois, depuis si longtemps qualifiés de sots ? Qu’on se rassure. Nos aïeux, à l’humeur plaisante, ne s’épargnaient pas les moqueries. Chacun tenant pour son clocher, appliquait à ses voisins des épithètes peu flatteuses que l’on se garda bien d’oublier. On dit encore : les singes de Chauny, les beyeux de Saint-Quentin, les bacouais d’Amiens, etc. L’origine de ces appellations n’est pas toujours blessante. « Il y avait dans cette ville, (Ham) lit-on dans une lettre écrite en 1735, une compagnie de fous, qu’on nommait les sots de Ham, sobriquet qui est demeuré aux habitants. » Tout est expliqué ! Cette compagnie était fort ancienne et très connue. Il existait, dans un grand nombre de villes, des associations de joyeux compères qui, aux jours gras principalement, se chargeaient de divertir le peuple et se permettaient dans leurs farces ou soties, des allusions, des attaques contre les puissants du jour qu’on ne tolérerait certes pas maintenant. Les archives de Ham ne nous apprennent rien, malheureusement, sur cette singulière confrérie et il nous faut encore recourir au savant conseiller au parlement qui nous a raconté la bizarre cérémonie du Cloqueman. Il était d’usage dans la ville de Ham parmi les rieurs d’élire un prince qualifié Prince des sots. Il formait sa cour de ceux de son espèce et avait pour marques de sa dignité un habit tel qu’on peint celui des Momus et un bonnet garni de grelots ; son sceptre était une marotte. Sa troupe, divisée en cavalerie et infanterie n’avait pas d’uniforme, mais des habits de masques. La cavalerie était composée de chevaux d’osier, il y avait un trou, au droit de la selle, par où le cavalier passait. Un caparaçon empêchait qu’on ne vit ses jambes. L’enseigne de cette troupe était un drapeau semé de croissants avec des marottes de Momus en sautoir. Les jours gras, le Prince partageait sa compagnie en trois escouades qui se tenaient aux portes de la ville. Chaque chef tenait en main une marotte noircie avec de la suie de cheminée et la faisait baiser aux femmes qui ne voulaient pas mettre de l’argent dans un bassin et ils appelaient cela Saint Souffrant. Si quelque vieille se mariait, le prince des sots et sa troupe ne manquaient pas de faire charivari. Si quelque mari patient se laissait dominer par sa femme on allait en grande pompe l’éveiller du matin et lui faire faire le tour des rues de la ville, monté dans un tombereau. Ces singeries occasionnaient des querelles. Un lieutenant général, en 1648, ayant voulu y mettre ordre, manda le prince des sots et lui demanda de quel droit il en usait ainsi ; il lui fit réponse qu’il était autorisé par des lettres patentes des anciens seigneurs de Ham. Le lieutenant général demanda à les voir et les jeta dans le feu. Depuis ce temps, ajoute Brochart du Breuil, on n’a plus entendu parler de la compagnie des sots de Ham. Ce qui prouve la vivacité des traditions dans nos provinces c’est que les descendants du dernier chef de la compagnie des sots ont conservé le nom de Prince.
Extrait de :
HISTOIRE POPULAIRE DE HAM
Elie Fleury et Ernest Danicourt
15 x 21 cm - 112 pages - Illustrations - cartes postales anciennes - plans
Pour en savoir plus sur ce livre...Vous aimez nos lectures, abonnez-vous à notre Lettre d'infos...
-
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment
Ajouter un commentaire