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Eugène Noël et son amour des plantes
Eugène Noël dit "Le Père Labêche" était un jardinier normand précurseur de l'écologie.
Le jardin dans lequel je passai mes premières années, d’une étendue fort restreinte, était très retiré, très solitaire. De grands murs l’entouraient, tapissés de vignes que, par bonheur, on ne taillait presque jamais. Je passais là des journées entières à planter et à déplanter, à regarder croître mes plantes. Les premières que je remarquai, que j’aimai d’un véritable amour, furent un rosier du Bengale et un lis blanc. Souvent je m’asseyais entre mes deux préférées, et, tantôt avec l’une, tantôt avec l’autre, je faisais les plus étonnants dialogues. Je les sentais si bien vivre avec moi d’une vie commune, que volontiers je les aurais appelées sœurs, comme faisait un anachorète dans son désert : Soror, amica mea, cicada... (O ma sœur la cigale !) On me voyait pleurer lorsqu’il arrivait quelque accident à mes fleurs. Je n’ai battu qu’une seule personne en ma vie : ce fut une petite fille (je me le reproche bien), laquelle m’arracha, au moment où il allait fleurir, un pois-fleur que j’avais semé de ma main et cultivé avec des soins que vous ne croiriez point. Je l’élevais dans un pot, et il ne me quittait en aucune circonstance. Aux repas, je le posais près de moi, et, lorsque j’apercevais quelque part un rayon de soleil, aussitôt j’y portais mon pois. Les enfants du voisinage se moquaient de moi, mais que m’importait, pourvu que mon pois vécût ! J’entrais dans le ravissement, dans l’extase, dans des rêves sans fin, lorsque je venais à considérer qu’une si jolie plante était venue d’un petit grain noir, tout sec, mis dans un peu de terre.
Ce qui vous étonnera peut-être beaucoup, c’est que, dans mon enthousiasme à ce spectacle de la végétation je crus que toute chose poussait de la même manière. Je n’avais pas fait encore la distinction des trois règnes. Je dis fait, car on ne me l’a point apprise. J’y suis arrivé moi-même ; voici de quelle manière :
Un jour que l’on avait chez nous mangé de l’alose, ce poisson m’ayant paru excellent, j’en recueillis les arêtes et courus les planter dans mon jardin. Je les arrosais soir et matin ; mais, hélas ! rien ne poussait. Après avoir attendu longtemps avec une patience admirable, je les déterrai. Que trouvai-je ? L’histoire ayant été sue, l’on, se moqua de moi ; je vis bien alors que certaines choses poussaient, se formaient, naissaient autrement que les plantes.
Extrait de :
LA VIE DES FLEURS
et les doux mystères de la nature
Eugène Noël
14.85 x 21 cm - 96 pagesPour en savoir plus sur ce livre...
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