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Aléaume de Fontaine en Terre Sainte
Fontaine (sur-Somme) a donné son nom à une des plus anciennes familles de notre pays. Aléaume de Fontaine est resté presque populaire parmi nous, moins peut-être par ses exploits en terre sainte que par la fondation de la collégiale de Longpré.
Aléaume de Fontaine a d’autres droits cependant à notre souvenir ; il fut le second mayeur d’Abbeville en l’année 1185. Le P. Ignace, dans son histoire des mayeurs, après avoir parlé de l’emploi que doivent faire les grandes âmes de leur générosité pour agir selon le cœur du Tout-Puissant, ajoute : « c’est ce qu’a fait notre second mayeur, le seigneur Aléaume de Fontaines, lequel ne voulut jamais avoir auprès de soy que la fleur et l’élite des grands hommes de son temps, desquels il prenoit conseil, tant pour la direction de son âme, que pour la conduite de sa famille : connaissant bien que, tant plus les nobles sont unis à Dieu, tant plus ils sont grands : et tant plus ils sont obéissants aux volontez de sa Divine Majesté, tant plus ils voyent les bénédictions du Ciel découler sur eux et sur leur postérité. » Il serait difficile aujourd’hui de retrouver les sources où l’historien d’Abbeville puisait encore vers l’année 1657 des renseignements si positifs sur les vertus et les habitudes privées et publiques d’Aléaume de Fontaine, mayeur en 1185. Et ces grands hommes qui entouraient alors le seigneur maire d’une commune nouvellement émancipée, ces conseillers municipaux sans doute de l’année 1185, ces rudes bourgeois, fiers et jaloux de leurs privilèges récents, mais qui seraient bien étonnés de leur grandeur posthume, où le carme Jacques Sanson s’était-il enquis de leurs qualités ?Ne raillons pas cependant cette idéalisation des temps héroïques de notre histoire locale ; le bon père pensait aux croisades en écrivant cet éloge de son mayeur croisé, à Philippe-Auguste dont Aléaume fut le compagnon, à tous les héros des saintes entreprises, cette fleur véritable et cette élite des grands hommes du temps. Et sans contredit Aléaume de Fontaine n’était pas un des moins digues dans ces armées de chevaliers et de croyants ; il commandait, dit-on, en terre sainte, l’aile droite de l’armée française dans les divers combats livrés aux infidèles ; il demeura quinze ans sur cette terre où Philippe-Auguste ne posa qu’un instant. On sait comment les combats, la maladie, la mauvaise nourriture, la contagion usaient les forces des croisés, tellement que dans ces agglomérations d’hommes souvent divisées et sans ordre, on comptait, dit le P. Ignace, « plus de bouches pour manger que de bras pour battailler. » Mais, poursuit l’historien sur je ne sais encore quels renseignements empruntés sans doute à la bonne opinion et à l’opinion méritée qu’il se forgeait du héros, « mais notre Aléaume de Fontaine avec son bon sens et sa prudence ordinaire évita tous ces dangers, ayant auparavant que partir fait provision de remèdes contre la maladie, de munitions contre la faim, et de bonnes armes pour se défendre contre Saladin « lorsque le roi Philippe-Auguste eut remis à la voile, laissant son armée de Syrie sous la conduite de Hugues de Bourgogne, du baron de Joinville et de nostre Aléaume de Fontaine, » ce fut lui, ajoute le P. Ignace, qui eut « les premières nouvelles de la mort de Saladin, roy de Hiérusalem, qu’on appelloit la terreur des chrestiens et qui selon un bon autheur estoit né d’une mère natifve de Ponthieu. » Aléaume de Fontaine mourut en terre sainte, dans de grands sentiments de piété, nous dit le P. Ignace, sentiments rendus plus vifs encore dans les derniers temps de sa vie par l’exemple de Saladin mourant, faisant porter par les rues de la ville son suaire au bout d’une lance tandis qu’un hérault criait à haute voix « que Saladin, Monarque de l’Asie, de tant de richesses qu’il avoit acquises, n’emportait rien que ce chétif linceul. » Saladin était mort en l’an 1194, Aléaume de Fontaine mourut en l’an 1205, l’année même de la prise de Constantinople par les Latins ; on voit qu’il eut le temps de profiter des réflexions nées pour lui dans cette annonce mortuaire de Saladin à ses sujets. Les distractions que trouvent les soldats dans une ville prise d’assaut détournèrent pour un instant sans doute plus d’un héros croisé du droit chemin ; Aléaume, lui, s’empressa de recueillir à Constantinople ces reliques qui n’arrivèrent à Longpré qu’un an après sa mort et qui sont encore en partie conservées dans l’église de ce village, comme nous le dirons en temps et lieu.
Extrait de :
HALLENCOURT ET SON CANTONErnest Prarond
15 x 21 cm - 164 pages avec cartes postales anciennes et illustrations.Vous aimez nos lectures, abonnez-vous à notre Lettre d'infos...
« L'Hôtel de Ville et le Beffroi d'AmiensL’originalité des croyances et coutumes de Picardie maritime »
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