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    - 3e épisode -
    Amour, crime et reconquête

        Au bout de quelques jours passés dans les plaisirs, le roi d'Angleterre parcourut le comté de la Marche, où l'accueil de Hugues le Brun ne fut pas moins brillant que celui de son fils le comte d'Eu. Jean sans Terre ne tarda pas à reconnaître l'hospitalité de cette noble famille ! Dans une partie de chasse, il rencontre une jeune fille dont l'extérieur et l'escorte annoncent le haut lignage. Frappé de sa beauté merveilleuse, il en devient subitement amoureux, il veut sur-le-champ s'en emparer. On lui dit que c'est Isabelle, fille d'Aimar, comte d'Angoulême ; qu'elle est fiancée à Hugues, frère du comte d'Eu, le fidèle Lusignan. Rien ne l'arrête ; il fond comme un vautour sur la jouvencelle tremblante, et l'emporte malgré ses cris. Quand elle fut en son pouvoir; il fit briller à ses yeux le diadème, et parvint bientôt à sécher les pleurs de sa captive ; l'ambitieuse Isabelle renonça sans peine pour une couronne à ses engagements avec le fils d'un comte ; et le mariage eut lieu à Angoulême le 24 août 1200. Jean sans Terre préluda ainsi à l'assassinat par le rapt.
         Cet acte déloyal fut la première cause de la révolution qui fit perdre à un indigne monarque la plus grande partie de ses possessions françaises, et faillit à le renverser du trône.
          Les Lusignan, furieux, vengèrent leur injure en insurgeant le Poitou et l'Anjou. Raoul Ier courut à son château d'Eu ; et de là il souleva la noblesse normande. Jean sans Terre punit la révolte des Lusignan en les dépouillant de leurs fiefs. Le château d'Eu fut confisqué. Les barons dépossédés en appelèrent au suzerain du monarque anglais, à Philippe-Auguste dont ils étaient eux-mêmes arrière-vassaux. Suivant le régime féodal cet appel était régulier : Jean était soumis en certains cas au tribunal du roi de France ; il le déclina. Philippe, jaloux de conserver des droits qu'on invoquait, prit en main la cause des Lusignan et déclara la guerre à son vassal rebelle. Dans le cours des hostilités, Arthur, duc de Bretagne, qui combattait pour les Français, tomba en la puissance de son oncle. Jean voulut arracher au malheureux Arthur une renonciation à l'héritage de Richard : ses prières ni ses menaces ne purent vaincre la courageuse fermeté du jeune prince ; il chercha un bourreau ; et, n'ayant pu trouver dans tout son royaume un homme aussi lâche, aussi misérable que lui-même, il égorgea son neveu au pied de la
    tour de Rouen, et jeta son cadavre dans la Seine (Arthur n’avait que 15 ans).
    Ce forfait souleva l'indignation de la France. Philippe-Auguste convoqua à Paris les barons possesseurs de fiefs relevant de la couronne, comme le roi d'Angleterre ; il en composa une cour des pairs. Cité devant elle pour rendre compte de l’assassinat du duc de Bretagne, Jean sans Terre refusa de comparaître. La cour des pairs le condamna à mort, comme convaincu de meurtre et de félonie, et prononça la confiscation de toutes ses possessions du continent au profit de son suzerain. Philippe entra aussitôt en Normandie à la tête d'une armée, pour mettre la sentence à exécution ; et, en 1204, il reconquit une province enlevée par Rollon deux cent quatre-vingt-douze ans auparavant. Le château d'Eu, fondé par le chef des Normands, devint un fief immédiat de Philippe-Auguste.
         La justice de cette confiscation a été fort controversée, surtout par les historiens anglais. Le monarque français exploita sans doute avec la supériorité de sa politique l'horreur d'un grand crime ; mais il fut aidé dans l'accomplissement de ses desseins sur le duché par la Normandie elle-même ; à l'exception d'un très petit nombre de villes, elle courut tout entière au-devant d'une domination nouvelle en haine de l’assassin d'Arthur. D'ailleurs, Philippe avait le droit de reprendre à la lâcheté de Jean sans Terre, ce que Rollon avait arraché à la faiblesse de Charles le Simple. La conquête eut des résultats immenses ; elle plaça dans la mouvance directe de la couronne ces redoutables feudataires normands, toujours prêts à s'armer contre la France ; elle changea une suzeraineté fictive en un pouvoir réel, et restitua à l'autorité royale une partie de ce caractère de force et de grandeur qu'elle avait perdu depuis Charlemagne.

    à suivre...

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     Extrait de :

     château d'EuHISTOIRE ET DESCRIPTION

     DU CHÂTEAU D’EU 

     Souvenirs historiques des résidences royales de France

     J. Vatout
      
    14 x 21 cm - 430 pages - Cartes postales anciennes

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     - 2e épisode -
    La prise du château par un conquérant

    Au comble de ses vœux par son alliance avec le monarque français, Busac, jaloux de l’avènement de Guillaume le Bâtard, se croit déjà en possession de la Normandie. Il se hâte de prendre les dernières mesures pour le succès d'une lutte qui, dans sa pensée, ne peut être longtemps incertaine. L'or grossit le nombre de ses partisans ; l'espoir de hautes récompenses lui gagne des seigneurs influents parmi la noblesse, alors si turbulente, et il donne à tous rendez-vous au château d'Eu. Le lieu, était bien choisi : c'était en ce temps l'une des places les plus fortes de la domination normande. Cependant, Guillaume le Bâtard a l'œil ouvert sur les progrès des conjurés ; quand il apprend que les principaux chefs sont réunis à Eu, il y court à la tête de troupes considérables : il veut environner le château avant l'arrivée des renforts que l'on attend ; s'emparer des têtes de la rébellion ; et les écraser dans le foyer même de la révolte. Cette marche rapide étonne Busac; privé d'une partie de ses forces, il ne peut tenir la campagne : il s'enferme dans le château d'Eu, où il compte traîner la guerre en longueur pour donner le temps à son puissant allié de le secourir. Cette erreur dura peu : les murailles de la forteresse et l'énergie de ses défenseurs, exaltée par l'exemple de celui qui les commande, cédèrent bientôt aux attaques furieuses et incessantes de Guillaume le Bâtard. Un assaut général emporta le château, qui fut livré au pillage (1049). Busac, à la tête d'une poignée de chevaliers les plus braves, s'était frayé un passage à travers les rangs ennemis. Il s'exila : sous le nom du comte de Montreuil, il alla en Italie offrir son épée à Robert Guiscard ; et, après avoir eu la gloire d'associer sa valeur à la conquête de Naples, il vint en France, où il attira l'admiration de la cour par les grâces de sa personne et par son adresse dans les exercices guerriers. Le roi Henri Ier, dont il captiva là faveur, lui fit épouser Adélaïde, comtesse de Soissons, très riche héritière, issue de race royale par les comtes de Vermandois. Guillaume Busac devint comte de Soissons. « Heureux exilé, s'écrie le moine de Jumiége, il eut de ce mariage une belle famille qui gouverne avec honneur son noble héritage ! »

    Le château d'EU au théâtre de l'histoire - en 10 épisodes - 2° -

    Prise du Château d'Eu par Guillaume le Conquérant (1049)


    Maître du château d'Eu, Guillaume le Bâtard déclara Busac et tous ses complices bannis à perpétuité du duché de Normandie.
    Les historiens ne mêlent pas une seule fois le nom de Robert, comte d'Eu, au récit de la rébellion de son frère. Cependant, lorsqu'on voit le château qui lui appartenait être le théâtre de la guerre civile, il est difficile de penser que ce seigneur resta tout à fait étranger au soulèvement de Busac ; mais comme sa participation ne fut pas active, il est très probable que le duc, par politique, feignit de ne pas le croire coupable, afin de ne pas étendre ses vengeances. Robert fut maintenu dans la possession du château et comté d'Eu. A cette époque, il en était propriétaire depuis plus de vingt-cinq ans ; il l'avait tellement agrandi et embelli, que ce château était devenu une habitation seigneuriale du premier rang. Nous en trouvons la preuve dans l'événement solennel qui s'y passa vers 1050 : c'est le mariage de Guillaume le Bâtard avec Mathilde de Flandre.

     à suivre...

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     Extrait de :

     château d'EuHISTOIRE ET DESCRIPTION

     DU CHÂTEAU D’EU 

     Souvenirs historiques des résidences royales de France

     J. Vatout
      
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     - 1er épisode -
    Une forteresse battue par les flots

     En remontant la chaîne des âges, à la place de ce palais, asile brillant des arts, ou trouve une forteresse sombre dont les murailles sont battues par les flots ; à la place de la vallée de la Bresle, on trouve un port qui abrita longtemps les navires danois et les barques normandes, avant que la mer, repoussée par la main des hommes et par l'action des siècles, eût reculé ses rivages.
    Rollon fut le fondateur de cette forteresse. En 912, le chef des hommes du Nord, dont l'invasion dans la Neustrie avait été légitimée par la victoire, dictait à Saint-Clair-sur-Epte les conditions de la paix sollicitée par Charles le Simple. Ce traité érigea le duché de Normandie, sous la vaine réserve que Rollon le tiendrait en fief de la couronne de France, et qu'il en ferait hommage au roi comme son vassal. Dans le territoire marqué par l'épée du patrice des Normands, fut comprise la ville d'Eu, qui n'était alors qu'un bourg ; elle devint place frontière du nouveau duché; sa position maritime lui donnait aussi beaucoup d'importance. Rollon la fortifia, l'entoura de murs défendus par de larges fossés que la mer vint remplir, et construisit dans son enceinte un fort assez considérable pour recevoir une garnison nombreuse. Ce fort, nommé Eu, joue un rôle dans l'histoire du Xe siècle.
    Jusqu'au jour de la captivité de Charles le Simple, le duc des Normands resta fidèle au traité de Saint-Clair : il n'avait pas d'intérêt à le rompre ; mais quand il vit le royaume tomber dans la perturbation, il prit les armes pour avoir sa part d'un démembrement que l'ambition des grands et la faiblesse du monarque rendaient inévitable. Une trop belle occasion provoqua cette réminiscence de son ancien métier de pirate ; le prétexte d'ailleurs pouvait-il être plus honorable ? il combat pour la liberté de son suzerain ; c'est au nom de la foi jurée, c'est en protestant contre l'infâme trahison d'Héribert, comte de Vermandois, qu'il incendie, qu'il dévaste les États de Charles le Simple! S'il ne parvint pas à délivrer le royal captif, ses efforts eurent pour lui-même un résultat plus heureux : en 924, le nouveau roi Raoul acheta son amitié en lui abandonnant le Maine et une partie du Bessin. Encouragé par ce succès et par l'anarchie croissante de la France, Rollon recommença bientôt les hostilités. Cette
    fois les chances de la guerre tournèrent contre lui ; la ville d'Eu et sa forteresse furent le théâtre de la défaite des Normands (925).
    Prévoyant l'attaque des Français, le duc avait envoyé à Eu mille hommes de Rouen. Ce renfort joint à la garnison lui parut suffisant pour couvrir sa frontière : il se trompa. Les Français environnent la place ; ils brisent et escaladent les murailles. Maîtres de la ville après un combat, ils se précipitent sur le fort, s'en emparent, le brûlent et tuent leurs prisonniers. Quelques Normands échappés au massacre s'étaient réfugiés dans une petite île voisine ; poursuivis vivement dans cette dernière retraite, ils s'y défendent quelque temps avec courage ; mais, quand ils voient qu'il faut céder au nombre, les uns se percent de leurs épées, d'autres cherchent leur salut dans les flots, où ils sont égorgés. Tous les Normands périrent. Les vainqueurs retournèrent chez eux courbés sous le butin.
    Le fort de Rollon, brûlé en 925, était rétabli deux ans après ; il paraît même qu'il avait plus d'étendue en 927, puisque Frodoard lui donne le nom de château fort à l'occasion de la conférence relative au rétablissement de Charles le Simple, qui fut tenue à Eu entre le duc de Normandie et le comte de Vermandois.

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     DU CHÂTEAU D’EU 

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     J. Vatout
      
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     Extrait de :
     
      HamHISTOIRE POPULAIRE DE HAM 
      
      Elie Fleury et Ernest Danicourt
      15 x 21 cm - 112 pages - Illustrations - cartes postales anciennes - plans
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    De quelque côté que l’on contemple le Château de Ham, on reste étonné par la masse imposante de ses constructions où tout respire la force. Ce n’est pas l’élégance de Pierrefonds ni la fierté de Coucy ; solidement assis dans une vallée, flanqué de tours aussi larges qu’élevées, ce château ne jette pas à l’ennemi un défi insolent, il semble l’attendre de pied ferme, sûr de pouvoir résister à ses assauts. Et ce fut aussi cette idée qui présida à sa reconstruction, à une époque cependant, où l’artillerie renversait les donjons comme l’infanterie jetait à terre la cavalerie féodale.

    Il a été dit au cours de cet ouvrage que le château primitif de Ham fut probablement une bornière, élevée par les comtes de Vermandois aux confins de leurs Etats. Les premiers seigneurs de la maison de Ham, issus de Vermandois, donnèrent sans aucun doute une plus grande importance à cette clef de leur apanage. Au commencement du treizième siècle, Odon IV fit creuser le fossé d’enceinte et fortifia si bien la position que Philippe-Auguste en prit ombrage et fit prêter serment à son féal, au gouverneur et au maïeur de Ham de rendre à leur seigneur le roi, le château, sitôt qu’ils en seraient requis.

    Aperçu du château de Ham...

     

    Ce livre, publié une première fois en 1881, décrit avec concision l’histoire de Ham et de son château (jusqu’à cette date).
    Il présente également l’aspect de la ville à la fin du XIXe siècle.
    Livre fourni avec 2 plans de la ville et du château de Ham (un au format 31 x 42 cm édité en 1862,
    et un au format 21 x 30 cm édité en 1881). Comprend 23 illustrations et plans de monuments de la ville, la biographie des personnalités nées à Ham et la liste des prisonniers du château.

     

     


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