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11/11/1918 : après 1 561 jours de guerre
Le 7 novembre 1918, à 21 heures, une lueur apparut aux avant-postes des lignes françaises, près de La Capelle. Là, veillaient, allongés sur le sol, des soldats du 171e d’infanterie. La clarté grandit puis dissipa les ombres. La première des autos approchait de la section qui barrait la route. Un immense drapeau blanc flottait à l’avant. L’Allemagne allait enfin rendre les armes.
Pour les survivants, les amitiés liées durant ces quatre années sont bien évidemment très fortes.
Un « ancien » raconte son 11 Novembre.
En 1918, j’étais encore jeune écolier quand, le jour du onze novembre à trois heures d’ermonta1, toutes les cloches des alentours se sont mises à sonner à l’unisson pour annoncer l’armistice qui mettait fin au terrible massacre. Quel carillonnage ! L’écho se répétait dans la vallée. Au loin, on entendait le bourdon de Saint-Vulfran d’Abbeville, ainsi que de Franleu. Quel merveilleux moment quand notre institutrice, Madame Soufflet, nous a annoncé que la guerre était finie, puis tout en claquant des mains a ordonné : « Allez, mes enfants ! Nous allons chanter La Marseillaise et les trois couleurs de la France ! » Nous ne nous sommes pas fait prier. Comme nous étions heureux !
Piot Jules s’est exclamé : « Enfin, mon père va rentrer ! » Bébert a ajouté : « Le mien aussi ! » A côté de lui, Julien ne soufflait mot, étant donné qu’il n’avait plus de nouvelles depuis deux mois. Quant à moi, j’ai assuré : «Mon père me rapportera sûrement une carabine, un calot de soldat et des bandes molletières. » Comme tous les enfants, j’aurais tant aimé m’habiller en militaire.
Madame nous a ensuite envoyés en récréation. Mais que nous étions heureux ! Les filles de même ! Il va y avoir bientôt soixante-quinze ans ; rien ne m’échappe. Que de souvenirs inoubliables de cette époque ! Que de joie ! Malheureusement pas pour tout le monde ! Mon père allait être démobilisé, mais ma grand-mère savait que sur quatre fils mobilisés sous les drapeaux, deux ne reviendraient jamais.
Leurs noms figurent sur le monument aux morts d’Abbeville. Quant au frère de ma mère (c’est-à-dire mon oncle), il a été porté disparu au Chemin des Dames.
Après la sortie de l’école, je suis passé devant la maison de Clémentine, notre ancienne voisine. Elle non plus n’avait pas été épargnée ; ses deux fils étaient morts aux Eparges, à l’âge respectif de vingt-deux et vingt-trois ans. Elle pleurait en racontant son malheur à Orpha, une dame qui allait devenir ma belle-mère vingt ans plus tard. Elle aussi pleurait tout son saoul sur le sort de son fils mobilisé à dix-huit ans, mort pour la Patrie à l’âge de vingt ans, seulement trois mois avant l’armistice. Quatre jours avant de mourir, il avait envoyé une carte-lettre à ses parents pour leur dire qu’il était en bonne santé : « Nous sommes en ligne à Villers-Cotterêts. Vivement quatre jours plus vieux et que nous descendions au repos ! », écrivait-il. Malheureusement, il est mort avant la relève, tout seul au pied d’un talus, vidé de son sang, par manque de soin. Que cela a été terrible pour une mère de recevoir la dernière lettre annonçant la funeste nouvelle !
Combien ce fut pénible aussi quand, quelques jours après l’armistice, les troupes d’occupation défilèrent dans l’allégresse derrière la fanfare, suivies par la population du village en délire ! Quel calvaire pour les parents des disparus, eux qui ne reverraient jamais les leurs !
Dans les archives de famille, j’ai récupéré la dernière lettre de mon beau-frère (parenté à titre posthume), sa plaque-matricule encore marquée de son sang, ses médailles et le livre d’or décerné à chaque héros mort pour la France.
Vingt et un ans plus tard, nous prenions la relève. Comme c’est affreux, la guerre !Léopold Devismes,
(traduit du picard par Gérard Devismes)._____
NOTE :
1- d’ermonta : de l’après-midi.Extrait de :
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