• Lieux de bains publics et de libertinage...

     

    L’usage des thermes romains s’est poursuivi en Somme sous le nom d’étuves. Présents dans les villes, ces hôtels de bains étaient aussi des lieux où la morale avait parfois à gémir.

    Les bains publics s’appelaient thermes chez les Romains ; c’étaient des établissements très confortables dans lesquels le public prenait des bains froids, chauds ou des bains de vapeur ; près de la salle balnéaire se trouvait une étuve dans laquelle des esclaves frottaient le corps des baigneurs et le râclaient avec des instruments appelés strigiles.
    Plus loin existait un gymnase où le public pouvait se livrer aux exercices du corps, pour entretenir sa vigueur et sa souplesse. Enfin suivaient de longues galeries à colonnes pour servir de promenoir ; une bibliothèque, des jardins complétaient ces établissements d’utilité publique.
    On a retrouvé des thermes à Beaulieu, près de Saint-Quentin, et au village d’Athies qui fut un palais royal de Clotaire Ier : La reine sainte Radegonde, pendant les séjours qu’elle fit dans ce palais, s’occupait, selon ses actes, à laver dans les thermes les femmes pauvres et indigentes.
    La présence de ces bains romains à été constatée à Amiens, à Senlis, à Champien et au Mont-Berny dans la forêt de Compiègne. Le château de Bains situé sur la voie romaine qui passe à Rollot et à Boulogne-la-Grasse, est une indication certaine de bains romains existant en ce lieu. C’étaient des bains naturels ou des eaux thermales ; on a retrouvé des conduites d’eau, des hypocaustes, des tuyaux en terre cuite et en plomb.
    L’usage des bains a passé des Gallo-romains aux Francs, et a subsisté dans plusieurs villes de Picardie ; mais ces établissements où se prenaient les bains publics portaient le nom d’ETUVES.

    À Amiens, il y avait l’Hôtel des étuves, situé près du Petit-Quai et réservé exclusivement aux hommes ; les étuves des femmes étaient placées dans la chaussée Saint-Leu. Ces étuves constituaient un vaste établissement servant tout à la fois de bains publics et d’hôtellerie où l’on trouvait la table et le logement.

    La ville de Péronne avait aussi ses étuves placées sur la paroisse Saint-Sauveur, dans la rue de Beau-Bois ; elles furent transférées, plus tard, rue des Naviages. Cet utile établissement devint par la suite un lieu de plaisir, le rendez-vous habituel des désœuvrés, des galants et des chevaliers d’industrie.
    On s’y baignait, on y jouait à différentes sortes de jeux ; la morale publique avait souvent à gémir sur ce qui se passait dans ces étuves, et l’échevinage dut intervenir pour mettre un frein à ces désordres.
    En effet, dans une séance tenue à la maison de ville, le 28 mars 1412, le corps municipal fut d’accord que pour éviter les noises et débats, qui se produisaient dans les étuves, il n’y aurait pour les diriger qu’une femme âgée au moins de quarante ans. Malgré ces prohibitions, les filles de joie envahissaient ces bains publics, et le 10 décembre 1485, l’échevinage renouvelle ses prescriptions :
    « Quant aux ordonnances qui ont été faites sur les filles de joie et dames des étuves, a été délivré que ladicte ordonnance tiendra ; et si lesdites filles se veulent tenir en la rue que l’on dit de Péronnelle, faire le pourront sans demeurer, ni converses aux étuves, ni y coucher. »
     

    Cependant les officiers municipaux voyant que la liberté qu’avaient les filles de joie de se loger où elles voulaient, interdisait aux honnêtes gens la fréquentation des étuves, firent construire, en 1518, un lieu public à usage d’étuves, pour les rassembler toutes, ce qui constituait une maison de tolérance.
    Les étuves de Péronne étant devenues le rendez-vous des galants et des libertines, il s’ensuivait des rixes parfois sanglantes.
    L’échevinage fut obligé d’intervenir pour faire cesser ces désordres, comme on le voit dans une déliberation du mois d’août 1491 :
    « Il est venu en nostre congnaissance que le jour Saint-Laurent dernier passé, environ quatre heures après-midi, Protin de La Ruelle, fils de feu Jehan de La Ruelle, meu de mauvais corege (colère) cela en la maison des étuves de cette ville ; en la rue des Naviages, où il frappa à la tempe une fille de joie nommée Mariette-Simplette. »
    Il fut aussi défendu de fréquenter les étuves, après l’heure du couvre-feu, et surtout d’y coucher.
    Enfin ces établissements étant devenus un lieu de débauche cessèrent d’être fréquentés par les « femmes et filles honnestes » et tombèrent ainsi sous le mépris général : l’usage des bains publics cessa d’exister. Les prédicateurs même déclamèrent en chaire contre les étuves, les mettant au rang des lieux où la vertu était déshonorée.
    Les étuves établies à Montdidier, près de la rivière ne jouissaient pas d’une meilleure réputation que celles de Péronne. Non seulement elles étaient un lieu de prostitution, mais ceux qui les fréquentaient étaient atteints du mal de Naples, et parfois de la peste, en temps d’épidémie. Pour atténuer ou arrêter la contagion, une ordonnance de police du 27 juillet 1497, fait défense à Binet de Willes de chauffer les étuves, sous peine de bannissement de la commune. En même temps l’échevinage fait chasser de la ville trois filles atteintes du mal de Naples, et fait défense « à toutes autres que elles ne soutiennent ni ayent compagnie avec aucun ayant inconvénient ou soupçon de ladite maladie sous peine d’être punies et bannies de la « ville. »

    Lieux de bains publics et de libertinage...


    La réputation de libertinage des étuves de Montdidier était si bien établie, que le cordelier Menot, célèbre prédicateur, en fait une mention spéciale dans ses sermons du mercredi de la semaine sainte et les compare à un lieu de prostitution.
    « Il y a douze ans, dit-il, que je passai par Montdidier, il y avait des étuves publiques, ce qui ne vaut pas mieux qu’un b... ».
    Lupanar enim est locus ubi sunt meretrices. Si in domo cqnonici est meretrix : C’est bordeau.

    Les villes de Roye, de Ham, de Chauny possédèrent aussi des étuves publiques qui eurent le même sort que celles des localités voisines, malgré les soins des chirurgiens, barbiers-étuvistes.


    Emile Coët

     

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