• Edouard David et le quartier Saint-Leu à Amiens

     

    Edouard David et le quartier Saint-Leu à Amiens

    La Rue des Tanneurs à Amiens

     

    Edouard David  ÉDOUARD DAVID, POÈTE PICARD   

         
     
    Pierre Garnier
     

      
    14 x 21 cm - 150 pages - Réédition d'une étude parue en 1970 et épuisée.

      Pour en savoir plus sur ce livre...

     

    Extraits :

    Le chantre de Saint-Leu

    Edouard David est le chantre de Saint-Leu comme Mistral fut le chantre de la Provence.
    Pendant de nombreux siècles, Saint-Leu était Amiens ; au-delà de la Cathédrale s’étendaient les monastères, leurs dépendances, puis les campagnes. Avant que la Haute-Ville ne fût créée, la Basse-Ville avait été la Samarobrive des Gaules, César avait tenu là une assemblée générale, Antonin et Marc-Aurèle l’avaient agrandie, les rois francs y avaient séjourné, Mérovée y avait été, dit-on, élu roi... L’emplacement de l’Hôtel de Ville et son quartier, précise de Calonne, était « l’apanage du maître de la Cité » qu’il soit Romain, comte ou bourgeois triomphant.
    La Basse-Ville, prise plus tard entre la Cathédrale et la Citadelle, n’allait guère se modifier jusqu’à une époque récente :
    « Les documents du XIIIe, et du XIVe siècles, affirme Albéric de Calonne, révèlent l’existence à cette époque de la plupart de nos rues actuelles ; les rues malsaines et tortueuses, si l’on excepte les trois grandes et larges voies de la Porte Saint-Denis, des Vergeaux et du « markié as frommages », récemment enveloppées dans l’enceinte ; rues fangeuses en hiver et poudreuses en été ; rues que leur situation ou la gaieté hilare des aïeux ont fait baptiser de noms parfois grotesques : la Queue-de-Vache, les Tripes, la Canteraine, les Blanches-Mains, etc.

    A droite et à gauche de la « Cauchie au bled » les ruelles se rétrécissent. Plus de toits en pignon, les étages surplombants en saillie interceptent le jour et l’air et les maisons s’avancent jusqu’au bord des canaux que la nature a multipliés ainsi qu’en une « petite Venise ». Sur ces canaux les générations passées ont, avec l’agrément du chapitre, établi, ici pour moudre le grain, là pour fouler le drap, plus loin pour broyer la guède, des moulins dont le bruit assourdit le voisinage, et elles ont jeté de nombreux ponts de bois emportés quelquefois par une crue soudaine : celui, par exemple, ou Dieu ne passe oncques, entre les paroisses Saint-Leu et Saint-Sulpice, ainsi nommé parce que les prêtres qui portent le Saint-Sacrement aux malades dans l’étendue de leurs circonscriptions respectives ne le traversent jamais... »
    Cependant, dès le début du XIXe siècle, le quartier Saint-Leu, devenu excentrique, se dépeuple des quelques familles aisées qui y habitaient : elles émigrent vers les quartiers plus salubres. La ville basse est abandonnée aux artisans d’abord, puis aux ouvriers des moulins et au prolétariat le plus misérable, dont le nombre grossira au cours du siècle par l’immigration paysanne.

     

    Une Cour des Miracles

    En 1856, Louis Fée, soutenant le projet d’une rue centrale de vingt mètres de large devant relier les deux ports d’Aval et d’Amont à la gare de marchandises, constate que « le quartier Saint-Leu se meurt » et qu’on ne fait rien pour le sauver ; il dénonce les spéculations sur les logements insalubres et accuse les propriétaires de les louer sur un loyer calculé à 10 ou 15 % de leur prix d’achat, alors qu’à Henriville le taux est au plus de... 5 %!
    « Comment décrire, dit Albéric de Calonne, les amas de maisons ventrues, bossues, déjetées, se portant l’une sur l’autre, quelques-unes avec étage auquel un escalier hors d’aplomb avec porte sur la rue, donne péniblement accès ; vieilles la plupart de deux ou trois siècles, aux façades noires, sordides et délabrées ; maisons faites d’armatures de bois, garnies de briques et de torchis, aux ouvertures pratiquées sans le moindre souci de la symétrie mais combien pittoresques !
    Comment décrire encore les toitures hautes et pointues, et les étages qui surplombent, et les abouts des poutres historiées en corbeaux à tête grotesque, et les fenêtres à coulisses aux châssis garnis, en maints endroits, de papier huilé en guise de vitres !...
    Tout ce que la ville comptait de misérables, borgnes, aveugles, éclopés, manchots, culs-de-jatte, plus ou moins déguenillés, joueurs de serinettes et d’orgues de Barbarie habitait le quartier des Bondes « ch’Caban », dédale obscur circonscrit entre la place du Don, la rue du Hocquet ; le pont du Cange et la Somme.
    M. David en a dépeint d’une façon plus humoristique peut-être que nature, la population qui donnait « à certaines heures l’impression d’une mer agitée » :
    « Chaque matin, elle s’épandait à travers les rues d’Amiens pour demander l’aumône. La rentrée au quartier de tous ces miséreux présentait un tableau unique. Aussitôt, leurs sacs étaient vidés et le pain mis en commun. Solidaires, ils l’étaient non par calcul, mais par instinct, car il n’y avait chez eux aucune combinaison d’intérêt. La matinée avait-elle été fructueuse ? Tant mieux. On mangeait double ration. Les aumônes s’étaient-elles faites plus rares ? Tant pis. Les querelles et les disputes inséparables d’un portage difficile naissaient alors, et les querelles c’était même de la joie. Au plus fort de la tourmente, quand le tumulte était au comble, les serinettes et les orgues de Barbarie apparaissaient tout à coup, jetant leurs accords joyeux et bruyants dans ce charivari, et désarmaient les compétiteurs... »
    De Calonne ajoute d’ailleurs qu’à côté de cette bohème qui erre en cherchant aventure et qui trouve commode de vivre de la charité publique, la ville basse voit s’entasser, dans le dédale de ses rues, une population ouvrière vaillante et honnête qui ne ménage ni ses peines, ni son activité.
    Cette population a ses coutumes, ses fêtes, sa langue ; elle a aussi ses théâtres « salles basses, mal éclairées, plus mal aérées, magasins ou dessous de portes aménagés pour les représentations toujours très suivies des «Cabotins». 

     

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