• Chanson de Table

    Chanson de Table

    A. de PIIS (1755-1831)
    CHANSON DE TABLE
    À LA MANIÈRE DU BON TEMPS D’AUTREFOIS
    OU
    PORTRAIT BURLESQUE D’UN MÉDECIN GOURMAND
    Air du Bastringue
     

    Vive, vive monsieur Purgon !
    Comme il mange !
    C’est étrange
    Vive, vive monsieur Purgon !
    C’est Garguantua second !
    Au potage d’abord fidèle
    De riz il consomme une écuelle,
    Disant qu’un succulent bouillon
    A l’appétit sert d’aiguillon.
    Vive, vive, etc.
    Sautant, pour seconde manœuvre,
    Tour à tour sur chaque hors-d’œuvre,
    Rien que pour se donner du ton,
    Il vide un plein bocal de thon.
    Vive, vive, etc.
    Ensuite il engloutit, sans honte,
    Trente petits pâtés, à-compte
    Du pâté chaud, bien gros, bien rond,
    Qui tombe aussi dans son giron.
    Vive vive, etc.
    Il avale, quoiqu’on le gausse,
    Trois livres de bœuf à la sauce.
    Avec six tranches de melon
    Et six gousses de poivre long.
    Vive vive, etc.
    De se fait un dieu de son ventre
    Et son estomac est un antre
    Qu’il comble jusqu’à son menton,
    De veau, de bœuf et de mouton.
    Vive, vive, etc.
    A droite il prend de la giblotte,
    A gauche de la matelotte,
    Et rafle, en expert compagnon,
    Rognon, oignon et champignon.
    Vive, vive, etc.
    Dieu sait comme il pèle une éclanche !
    Il râcle un gigot jusqu’au manche ;
    Et tel qu’un dogue furibond,
    Jusqu’à l’os il ronge un jambon.
    Vive, vive, etc.
    Puis il faut voir comme il se rue
    Sur le saumon, sur la morue,
    Sur barbue et sur barbillon,
    Et sur turbot en court-bouillon.
    Vive, vive, etc.
    Aucune arête ne l’arrête ;
    Au fond de son gosier qui prête,
    Il est prouvé qu’un esturgeon
    Glisse et coule comme un goujon.
    Vive, vive, etc.
    Mais voulez-vous qu’il se régale
    D’une manière sans égale ?
    Brunet vous dit : Faites-lui don,
    Pour rôti, d’un dodu dindon.
    Vive, vive, etc.
    N’oublions pas qu’il boit les truffes
    Et qu’à la façon des tartuffes,
    Il s’en fait, par distraction,
    Toute la distribution.
    Vive, vive, etc.
    Quand on lui sert caille ou mauviette,
    Il s’imagine être à la diète,
    Et croque par compassion,
    L’ortolan à prétention.
    Vive, vive, etc.
    A l’entremets, vous le dirai-je ?
    De tous les plats il fait le siège,
    Et plonge, en arlequin bouffon,
    Dans le macaroni profond.

    ...

     

    Extrait de :


    Ecrivains et poètes

      LES POÈTES DE LA RIPAILLE

       Anthologie de poésies de la table du XVe au XIXe siècles

      Léon Larmand  

      15 x 21 cm - 158 pages

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