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    Alan Seeger, un poète dans la Grande Guerre

    Alan Seeger est né à New York le 22 juin 1888 dans une des vieilles familles de la Nouvelle Angleterre. Il a un an lorsque ses parents déménagent pour Staten Island qui forme le goulot d’étranglement du port de New York. Il y habitera jusqu’à l’âge de dix ans en compagnie d’un frère aîné et d’une sœur cadette.
    Des hauteurs de Staten Island, il découvre l’une des scènes les plus romantiques du monde : les portes de l’hémisphère Ouest. Il y voit les grands vapeurs de tous les pays pénétrant en procession dans le port de New York.
    Au premier plan, c’est le phare de Robbins Reef, à mi-distance la statue de la liberté et, tout au fond, les arches géantes du pont de Brooklyn et les grands buildings de Manhattan. Et ce flot de bateaux croisent celui des navires qui s’en vont vers les îles des boucaniers et les félons du Vieux Monde. Il connaît par cœur les noms de tous ces vaisseaux.
    En 1898, retour à New York où il est élève de la Horace Mann School. Son grand plaisir était alors de courir derrière les voitures de pompiers, les incendies étant fréquents à l’époque.
    Deux ans plus tard, nouvelle migration : sa famille part pour Mexico où elle séjournera deux ans. Ces deux années vont avoir une importance déterminante sur le développement de la sensibilité de l’enfant.
    Si New York incarne le romantisme de la puissance, Mexico représente à la perfection le romantisme des paysages. Passer des Etats Unis au Mexique, c’est comme passer d’un seul bond du Nouveau Monde dans l’Ancien.
    La scène est fascinante : Mexico au centre d’un vaste amphithéâtre dominé par les cônes immaculés du Popocatepelt et du Ixtaccihuatil. Bien que sous le tropique, le climat est idéal, grâce à l’altitude (2000 m).
    La famille Seeger hantent les vieilles bibliothèques des couvents et un tuteur va aider Alan à développer son goût pour la poésie et la bonne littérature.
    Quand ils reviennent aux Etats Unis, les enfants sont déjà très familiarisés à la vie et à la nature des Mexicains et ils y retournent souvent en vacances.
    Il fréquente alors la Hackley School à Tarrytown au sommet d’une colline dominant la noble rivière Hudson, au milieu d’un vaste domaine de verdure.
    Il entre à Harvard en 1906. Lectures variées à la magnifique bibliothèque de Boston. Il est plongé dans un univers contemplatif plutôt que vers la vie active. Il découvre les idéaux des Chevaliers médiévaux dans la lecture de Chaucer.
    Au bout de deux ans, il émerge de sa coquille, découvre la vie sociale, se fait beaucoup d’amis. Il traduit Dante et Ariosto ; il est rédacteur au Harvard monthly et lui donne ses premiers vers.
    De 1910 à 1912, il va passer deux années à New York qui seront les moins fécondes car il est encore indécis sur son avenir. C’est alors que se produit le grand événement de sa vie, le tournant : son départ pour Paris en 1912.
    C’est avec l’esprit d’un romantique du XIXe siècle qu’il abordera Paris. Il loge près du musée de Cluny où il se sent chez lui au milieu du monde des artistes et des étudiants du quartier latin, tout en faisant des incursions dans la haute société.
    Beaucoup de gens sont tombés amoureux de Paris mais peu autant qu’Alan Seeger. Paris est pour lui une sorte de Bagdad, de Samarcande, les Mille et une nuits.
    C’est à Paris qu’il écrira son premier recueil de poèmes « Juvenilia ». Mais Paris ne l’absorbe pas entièrement. Il visite la province car il aime tous les aspects du beau pays de France. Il visitera la Suisse aussi.
    Puis arrive l’année fatale : 1914. Le printemps le trouve à Londres. Puis il passe trois jours à Canterbury avec son père à qui il dit au revoir le 25 juillet.
    Deux jours plus tard, c’est l’ultimatum autrichien à la Serbie. La roue du Destin est déjà en marche. Dès que la guerre lui paraît inévitable, il revient à Paris en passant par Bruges où il laisse les manuscrits de ses poèmes à un
    imprimeur sans se douter des risques qu’ils encourent.
    La guerre n’a que trois semaines lorsqu’il s’engage avec une cinquantaine de ses concitoyens dans les rangs de la Légion étrangère.
    Pourquoi franchit-il ce pas décisif ? Sans aucun doute parce qu’il sentait que la guerre était une des expériences suprêmes de la vie à laquelle il ne pouvait se soustraire sans déloyauté envers son idéal.
    Mais, mis à part son penchant à vivre dangereusement, il fut poussé par un sentiment de loyauté envers le pays et la ville de son cœur : la France et Paris.
    Ce n’était pas, selon sa propre conception « une guerre contre la guerre » mais un combat pour la liberté et pour la France. Il combattra pendant deux ans sur tout le front, campagne qu’il raconte dans son journal de guerre et dans ses poèmes écrits dans les tranchées.
    La place de Belloy-en-Santerre, près de Péronne, porte son nom qui est aussi inscrit sur le monument aux morts. Il n’a pas de tombe, le cimetière où lui et ses camarades reposaient ayant été détruit par la contre-offensive allemande de 1918.
    Le journal « Le matin » publia la traduction d’un de ses poèmes « Champagne 1914-1915 » et remarqua que Cyrano de Bergerac aurait pu signer ses vers.
    Le plus émouvant est pourtant « I have a rendez-vous with Death » que l’on retrouve dans toute la littérature anglo-saxonne.

    Bernard Léguillier

    Poème d'Alan Seeger (traduit de l'anglais par Bernard Léguillier)

    J’ai rendez-vous avec la mort
    J’ai rendez-vous avec la mort
    Sur quelque barricade convoitée,
    Quand le printemps reviendra bruissant d’ombres
    Et parfumera l’air de l’odeur des pommiers en fleurs.
    J’ai rendez-vous avec la mort
    Quand le printemps ramènera les beaux jours.
    Peut-être me prendra-t-elle par la main,
    Pour me conduire dans son noir pays,
    Me fermer les yeux et arrêter mon souffle ;
    Peut-être l’accueillerai-je avec sérénité.
    J’ai rendez-vous avec la mort
    Sur le flanc de quelque colline déchirée,
    Quand le printemps reviendra rôder cette année
    Et que les premières fleurs s’épanouiront.
    Et pourtant Dieu sait qu’on est bien,
    Blotti dans la soie parfumée,
    Dans ce lieu où l’amour émerge d’un sommeil de béatitude,
    Nos cœurs et nos respirations à l’unisson,
    Et où un lent réveil nous est précieux.
    Mais j’ai rendez-vous avec la mort,
    A minuit, dans quelque ville en flammes,
    Quand le printemps revient au Nord d’un pas léger.
    Et je serai fidèle à ma parole,
    Je ne manquerai pas ce Rendez-vous.

     

    Biographie, Carnets de guerre et poèmes, 1914-1916

     

     


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    Cytise, lilas et boule-de-neige.

    Aux premiers jours de mai, allez respirer le parfum de ces vivifiants végétaux !

     

    Le lecteur est-il de mon avis ? Le beau moment de l’année me paraît être celui où les lilas sont en fleurs, à la condition qu’aux lilas seront mêlés le cytise et les boules-de-neige.
    Arbrisseaux exotiques, les lilas sont d’introduction relativement récente, puisqu’ils ne remontent pas à trois cents ans ; mais la boule-de-neige, les cytises sont des arbrisseaux indigènes. La boule-de-neige, liburnum en latin et Viorne en français est, je le sais, à son état de boule-de-neige, un résultat de la culture, mais elle est essentiellement française.
    Les cytises sont enfants de nos montagnes. Le plus répandu et le plus élégant de tous, le cytise Aubours ou faux-ébénier, croît dans toute l’Europe centrale. Connaissez-vous rien de plus élégant que ses belles grappes jaunes, suspendues au milieu des lilas et des boules-de-neige ?
    C’est un spectacle que jamais je n’ai revu sans émotion, sans attendrissement et sans joie, bien que la nature en soit pour moi à sa soixante-deuxième représentation.
    Le cytise Aubours a reçu le nom de faux-ébénier, à cause de la couleur noire de son bois dans les sujets âgés.
    Ce très bel arbuste orne volontiers les terrains les plus arides et même, dit-on, les terrains crayeux. Si vous le consultiez pourtant, il vous demanderait de le planter de préférence aux lieux un peu ombragés. De même que le lilas, le cytise aux grappes d’or est un de nos arbustes les plus agréablement parfumés.
    Comment se fait-il que botanistes et horticulteurs restent froids et secs en parlant de ces doux et riants végétaux ? Cette inattention au vrai caractère de ces arbres, qui est la beauté, révolte à la fin et conduirait à faire prendre en mépris la science et les savants.

    Le père Labêche (Eugène Noël)

    photo : site d'Hubert le Jardinier

     

    Extrait du livre : Au jardin du père Labêche

     

     


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