• La moisson en 1950

    La moisson en 1950

     

    Au début de juillet, on sortait la faux, celle équipée à l’arrière de la lame, d’une structure légère et flexible en bois blanc, assemblée par petits tenons et mortaises, faite pour recueillir le blé coupé et le déposer en bottes par terre.

    Peu de temps avant la moisson, les champs verts, un peu jaunissants, étaient « détourés ». Des genres d’allées étaient fauchées, à la main, tout autour des champs, pour laisser passer la faucheuse-lieuse sans écraser la récolte. Les angles des pièces étaient coupés pour laisser passer la machine, d’un flanc du champ à l’autre. Plus tard, elle décrivait un grand arrondi qui entaillerait, les rangs serrés du blé, d’échancrures courbes aux extrémités des champs.

    Avant de partir, le cultivateur, assis par terre dans l’entrée de la ferme, une petite enclume carrée au dos bombé plantée dans la terre battue entre les deux jambes, « rebattait » le tranchant usé de la lame au marteau. Le métal s’allongeait, les irrégularités du fil disparaissaient et quelques coups de tiers point donnaient à l’outil un coupant parfait.

    Quelques jours avant la moisson, quand on sentait que le blé jaunissant était presque mûr et que le temps était beau, la faucheuse était ressortie de son réduit pour être préparée.

    Un homme fauchait avec deux chevaux. Les grands rabatteurs de la « moissonneuse-lieuse » tournaient lentement au-dessus de la scie à dents triangulaires qui allaient et venaient tellement vite qu’on ne les voyait plus. Le blé coupé et rabattu, tombait sur un tapis de toile, raidi de lattes rivetées, qui emmenait une couche d’épis, régulière et continue dans le secret du lieur. Là, régulièrement, une aiguille d’acier creuse dans laquelle passait la ficelle, entourait la botte et la serrait. Le lieur, d’une manière incompréhensible, faisait un nœud et délivrait, dans un bruit de ferraille, une nouvelle botte qui s’alignait avec les précédentes en rangs de plus en plus courts.

    Le reste de la famille faisait des « cahouts ». Les bottes étaient relevées : une botte centrale, quatre bottes en croix, huit bottes dans les creux, une couverture de trois bottes nouées ensemble par un lien de paille terminait le « cahout ». On faisait des centaines de cahouts en ligne qui avait l’air d’aller je ne sais où. Le travail commençait quand la rosée du matin se dissipait et il se continuait dans la chaleur du jour qui devenait insoutenable en milieu d’après-midi. La soif torturait, les bottes à relever semblaient encore innombrables et le travail ne jamais devoir se terminer. Les épines de chardons plantées dans les mains, par ailleurs irritées par le frottement des ficelles rêches, faisaient souffrir. En fin d’après-midi, les dernières centaines des milliers de bottes transportées dans la journée s’alourdissaient, mais enfin le champ était relevé, recouvert de « cahouts » ordonnés en rangées parallèles. Si le travail n’était pas terminé à l’heure impérative de la traite, on revenait l’achever après le souper...

    Dominique Voisin

     

    Extrait de :

    paysan Artois

     ABÉCÉDAIRE DU MONDE PAYSAN 
      La campagne d’Artois vers 1950
     
      Dominique Voisin

     14 x 21 cm - 148 pages  avec cahier-photos N/B 

     Pour en savoir plus sur ce livre...

     

     
     Vous aimez nos lectures, abonnez-vous à notre Lettre d'infos...
     
     
    « Le beffroi de PéronneLa fin de la navigation sur l'Avre »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :