Sur le point culminant de la colline où le moine bénédictin Valery, patron du Vimeu, aimait à se retirer pour méditer, on put voir pendant une durée de treize siècles consécutifs une petite chapelle qu’avaient connue les descendants quasi directs des Gaulois, qui avaient nom peut-être : Kerbili, Bélinoc ou Lugovèse, les descendants aussi des Romains et des Francs.
Elle avait reçu la visite des plus grands personnages : Charlemagne, Guillaume de Normandie ; elle avait vu passer Jeanne d’Arc prisonnière. C’est à l’abri de cette chapelle que le 28 juin 1803, vers 6 heures du soir, les regards du Premier Consul Bonaparte s’attardèrent un instant dans la contemplation du panorama de la baie de Somme, vers les premières assises de la forêt de Crécy.
Bien d’autres personnages encore connurent son étrange silhouette se détachant en grisaille sur un fond de paysage celtique. Des générations entières de jardiniers et de marins avaient usé sous leurs pas les dalles de la nef. Des multitudes de femmes, mères, épouses ou fiancées, animées de la foi vive des temps anciens, y étaient venues prier dévotement pour demander à Dieu et à saint Valery le retour sains et saufs dans leurs foyers des marins partis pour de lointains voyages. Ses murailles disparaissaient sous les ex-voto. Très visible du large, elle avait longtemps servi d’amer pour guider les navires cherchant à pénétrer dans les passes de la baie de Somme.
Rien ne devait prévaloir, hélas ! contre le parti pris des démolisseurs !
Depuis l’année 1878, date de la démolition, une chapelle de faux style gothique s’élève sur la colline à la place de l’antique petit monument lequel convenablement restauré, eût pu braver les injures du temps pendant des siècles encore.

Eugène Lomier

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