Avant la Grande Guerre, les négociants se réunissaient en cet hôtel, les jours de marché, pour fixer le prix du rollot. Le jeudi matin, de nombreuses voitures attelées amenaient les fermières des environs, venues vendre leur production dès que la cloche annonçait le début du marché aux fromages.

Par un samedi, prenez à la gare de Roye, le train partant à 1 heure 15 à destination de Compiègne.
Jusqu’à Roye-sur-Matz, tout va bien, vous avez les coudées franches et vous pouvez admirer la belle campagne qui se déroule à droite et à gauche.
Au fur et à mesure que vous filez sur Compiègne, l’aspect du wagon change, vous ne recrutez que des voyageurs gênants et qui ne se gênent guère.
Des cultivatrices des environs, qui se rendent au marché de Compiègne, se pressent aux portières et pénètrent dans le wagon, portant d’énorme panier d’oeufs, de beurre et de volailles. Gare aux coups de paniers, l’omelette, et surtout gare aux pieds sensibles.
Voilà les fromagers qui arrivent à leur tour avec leurs paniers plats et encombrants contenant des produits qui flattent plus le palais que l’odorat. C’est le moment de vous tamponner le nez.
Viennent ensuite des braves, campagnards qui, le sac sur l’épaule, vont vendre leur habillé de soie. Pour le coup, voilà le wagon complet. Et quelle agréable société ? Que le sac et son contenu ne vous heurtent pas le visage, car vous courez le risque de recevoir une accolade qui ne sera certes pas de votre goût.
Et si le mossieur ne se plait qu’à moitié dans sa prison de toile, il jette des plaintes amères, alors c’est un concert infernal auquel se mêlent les chants des coqs et des poules...
Compiègne... tout le monde descend...
Il n’était que temps.

Journal de Roye et du Santerre, 11 nov. 1894.

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