• Tu vois, Théo, tu m'as offert un café !

     

    Jean-Louis Rambour n'écrit pas comme tout le monde des poèmes simples. Il a toujours un angle d'attaque à lui, bien personnel.
    Théo, c'est le prénom de son grand-père, mort en 1916, à 33 ans. Ce long poème poignant d'un bout à l'autre, par la colère rentrée, le ton grinçant, l'ironie enchâssée de tendresse, fait comme un pont de chair entre le début et la fin du siècle, entre Théo et Jean-Louis, et Jean-Louis et son fils François. Jean-Louis va en quête du grand-père inconnu : un médaillon retrouvé parmi 60 cartons comme par un archéologue, une photo, quelques papiers officiels, une lettre ou deux, un souvenir en redite, une tombe anonyme. Et cette révolte du poète qui court, qui couve, qui gronde sans jamais exploser et qui fait mal comme un éclat d'obus dans notre tête de nanti du troisième millénaire, spectateur des autres guerres sur CNN.
    Un livre émouvant, terrible. La guerre préférée de Brassens, cette boucherie qui nous fait toujours dresser les cheveux, et Théo, le bûcheron abattu parmi le million et demi de morts, comme le symbole du sacrifice. [...]

    Jacques Morin

    Tu vois, Théo, tu m'as offert un café !

     

     

     

         D’ailleurs voici les mots d’un autre :

         Le 16 mai 1916

          Ma chère femme

     

    Je tiens ces quelques lignes pour te donner
    de mes nouvelles qui sont toujours de même.
    Je suis en bonne santé jusqu’à présent mais
    c’est pour te faire savoir que la journée du 15
    ça n’a pas été gai pour moi et pour mes camarades.
    Car il y a eu un petit accident. Je te dirais
    que mon caporal Rambour a été tué ce jour-là
    par un obus en plein ventre. Tu dois bien
    comprendre l’effet que j’ai eu quand j’ai appris
    de pareilles choses...

    Ça fait quoi au juste « un obus en plein ventre » ?
    Pas joli certainement.
    On a identifié le corps grâce à un porte-monnaie
    en mailles de fer
    avec dedans des pièces de 1 F exactement comme celles
    d’aujourd’hui qu’on met dans les bornes des
    parkings payants ou dans les distributeurs
    de boisson.
    La même gravure en tout cas : la semeuse de Roty,
    pieds nus, les jambes dans un joli drapé,
    le bonnet phrygien et le soleil coupé
    par l’horizon.
    Un jour, et ce n’était pas dans l’intention
    de nuire puisque les pièces de 1916, elles,
    étaient en argent, je me suis acheté
    quelque chose avec l’une d’elles. Ça
    a marché sans problème.
    Tu vois, Théo, tu m’as offert un café,
    soixante-dix ans après ta mort, avec
    l’argent de ta solde.

     

    Le livre "THÉO" (poème) de Jean-Louis Rambour.

     

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