• Qu'il plaise au roi de prendre en pitité les misères du peuple !

    L'Etat est infesté de meurtrier, de vagabonds, de blasphémateurs, d'usuriers et d'ivrognes. Qu'on les punisse selon leurs démérites ! Des gens d'origine fort obscure usurpent des titres de noblesse pour se soustraire à l'impôt qui retombe toujours sur le pauvre peuple. Les gentilshommes exploitent leurs vassaux de toute manière ; ils les menacent, les battent, les appellent vilains, les dépouillent de leurs biens : de tels abus se peuvent-ils tolérer ? Ce pauvre peuple qui travaille le long du jour comme le cheval à la charrue, et, qui n'a bien souvent du pain à manger, n'est pas seulement maltraité par les nobles ; il souffre encore des ravages des gens de guerre : il est mangé, battu, chassé de sa maison ; le pays se dépeuple, les métairies sont en friche.
    Dans les villes, c'est la même misère. Abbeville est endettée, car elle paie chaque année la solde de cinq mille hommes de pied, et depuis 1513 elle a payé pour tous les sièges, pour l'approvisionnement de toutes les places fortes de la frontière. Tous les villages de l'Election, voisins de l'Artois, ont été depuis la même époque brûlés quatre à cinq fois. Qu'il plaise donc au roi de prendre en pitié les misères du Ponthieu ! Qu'il fasse revivre ses franchises et ses libertés qui ont fait autrefois la force et la richesse du pays. »
    Les délégués de Rue priaient aussi le roi « de leur rendre leurs franchises et libertés anciennes, de pouvoir user de sel blanc, lequel s'est de tout les temps fait dans les salines de ladite ville par les manœuvres des poures gens, de quoi ils vivoient, n'ayant jamais eu grenier à sel en Ponthieu, si ce n'est depuis vingt ans que aulcuns particuliers mus d'avarice ont mis leur sel en dépôt dans la ville d'Abbeville et obtenu lettres de prix et vendu leur sel à la grande foule, et oppression de pauvres sujets les ayant contraints d'user du sel gros gabellé. »
    On était loin encore de la révolution de 1789, qui devait balayer tous les privilèges iniques, et cependant ces plaintes contre les abus des pouvoirs en étaient déjà les indices précurseurs.

     

    Extrait du chapitre "Les guerres civiles" dans "Rue, son histoire", Florentin Lefils à paraître au printemps 2019.

     

     

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