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Les bistrots jadis en Picardie
Café Brémard à Miannay
Les cafés ont joué à leur façon un rôle social en brassant et en liant la population masculine.
On dénombrait onze cafés au village de Bouquemaison vers 1930.
Ces lieux connaissaient en tout temps une bonne fréquentation y compris en semaine, bien que moins régulière, mais les déplacements des cultivateurs étaient fréquents surtout aux heures du départ au champ et du retour et bon nombre d’entre eux s’arrêtaient volontiers, parfois seuls mais aussi lorsqu’ils étaient appelés par l’un d’eux, déjà en place, afin de partager le plaisir de boire en bonne compagnie, mais aussi celui de pouvoir prendre double consommation en toute bonne conscience.
Pour certains, l’habitude était telle que leurs chevaux s’arrêtaient d’eux mêmes; les devantures des cafés étaient équipées de longues barres métalliques sinon d’anneaux scellés au mur et destinés à l’attache des chevaux. Chaque quartier présentait un centre d’intérêt, un artisan par exemple, et pour des raisons diverses liées au travail, il y venait une clientèle passagère qui, à l’occasion d’une rencontre, s’arrêtait au café d’à côté. Les voyageurs traversant le village coupaient parfois leurs longues courses en s’arrêtant volontiers. Les affaires se traitaient et se concluaient au café.
Mais les heures d’affluence se situaient à midi, au retour du travail, de même que le soir : le soir surtout les clients s’attardaient plus volontiers, les tournées se succédaient, chacun payant la sienne, les conversations s’animaient sur les sujets d’actualité locale ou générale. En cas d’élections, les cafés étaient une véritable estrade et une antenne pour les candidats, c’est là que tout se débattait, que tout se faisait ou se défaisait, en ces lieux enfumés et parfois rendus violemment bruyants, l’alcool aidant. Mais c’est le dimanche, jour de repos, que les cafés faisaient le plein. Si certains y venaient pour simplement y boire, d’autres beaucoup plus nombreux s’y rendaient pour jouer aux cartes. Le jeu à la mode était le piquet, adopté par tous, bien que la manille eut déjà fait son apparition ; c’est dans une atmosphère particulièrement enfumée que ces interminables parties se déroulaient, l’enjeu étant la tournée de “bistouille” qui était due par les perdants.
La tournée (eine tornée) désignait une consommation prise en commun mais sans limite du nombre de consommateurs et réglée successivement par chacun des participants sous peine d’être discrédité auprès des copains en cas de manquement à cette règle. Cette habitude était un véritable piège pour qui acceptait de s’asseoir autour d’une table copieusement garnie, il risquait d’avoir des difficultés à la quitter... Mais sans tomber dans cet excès, il est vrai que même à deux, chacun y allait de la sienne (chatchin l’sienne), à moins que de convenance elle soit rendue plus tard. Bien que de bonne fréquentation aucun de ces cafés ne vivait que de ce commerce, l’établissement était le plus souvent tenu par l’épouse tandis que le mari exerçait une activité parallèle liée soit à la culture, à l’artisanat ou à un autre commerce.
Pierre Duséval
Extrait de :
LA SOMME INSOLITECollectif15.8 x 24 cm - 178 pages - Illustrations, cartes postales anciennes, plans...
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