• Le château de Picquigny - Ech catieu d'Pinkigni

     

    Peut-être maintenant une hâte de regagner l’année zéro, de laisser s’éclipser une humanité déjà étrangère qui poursuit son chemin, être absorbé par les paupières de la forêt, il est temps de rentrer dans ce monde et dans ce poème qui durent – c’est simple et lumineux.
    J’avais douze ans quand ma ville natale Amiens a été détruite ; j’ai passé mon adolescence dans les décombres – c’étaient des décombres clairs et innocents ; plus tard il y eut de nombreuses ruines moins innocentes, celles de la civilisation campagnarde qui avait été celle de l’Europe, celle des idéologies... j’ai aussi vécu dans ces ruines, d’une humanité nouvelle – je tiens de toutes mes racines aux décombres. Je peux dire que ch’catieu de Picquigny et le picard sont des décombres auxquels je me cramponne.
    La poésie elle-même aujourd’hui semble passée. Obsolète et muchée comme le picard le château de Picquigny derrière les siècles, derrière ce siècle. Alors les clandestins se rencontrent et s’attachent l’un à l’autre.
    La poésie se fait picarde et catieu d’Pinkigni (1277).
    La langue poétique a aussi des créneaux et des meurtrières ; elle est elle-même un château fort ; regardons un sonnet sur sa page ! Eine feste Burg ist unser Gedicht (*).

    Le château de Picquigny - Ech catieu d'Pinkigni


    Le château de Picquigny, c’était mon lieu de jeu préféré quand j’étais enfant ; nous venions d’Amiens à vélo ou à pieds, ou nous prenions le train à la gare Saint-Roch ; nous montions au château le sac plein d’illustrés, Tarzan, Mickey ou Bibi Fricotin – et quand nous redescendions nous allions manger de la tarte aux pruneaux chez Madame Weiss près de la gare ; plus tard, adolescent, je revins acheter des pigeons boulants qu’un éleveur expérimenté, installé près du passage à niveau, me vendait ; j’avais la passion des pigeons, je l’ai encore ; un autre éleveur qui habitait Saint-Pierre-à-Gouy me vendait de magnifiques Cauchois. Je collectionnais alors des livres sur l’élevage, aussi vieux – enfin, presque – que le château de Picquigny. J’avais, j’ai encore, un livre du XVIIIe siècle sur l’élevage des oiseaux ; je me souviens l’avoir lu dans la cour en contre-bas du donjon ; je me souviens des chauves-souris dans les souterrains du château – et dans un couloir cet extraordinaire gibet avec une haute échelle et des mots inscrits dans la craie – déjà une poésie visuelle.

    (*) « Une forteresse est notre poème » –
    d’après le célèbre vers de Luther « Eine feste Burg ist unser Gott » – « Une forteresse est notre Dieu ».

    Pierre Garnier

     Extrait de :

    Pierre Garnier Picardie

     PICARDIE


     
    Pierre Garnier

     
    Format 20 x 29.5 cm - 200 pages

      Pour en savoir plus sur ce livre...

     

     

    Vous aimez nos lectures, abonnez-vous à notre Lettre d'infos...

     

     

    « Une histoire insolite : "Le général Cabieu"Au potager en 1900 : sarclages et binages »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :