• L'enfer d'Airaines

     

    Le 4 juin 1940, dans ce bourg vidé de ses habitants, durant trois longues journées (et trois nuits sans dormir ou presque), un régiment composé de Congolais, Gabonais, Sénégalais et Blancs va tenir tête à des forces ennemies infiniment supérieures en nombre et considérablement pourvues en armes de toutes sortes, dont l'aviation.

    Le 7 juin au soir, faute de munitions, tandis que les avant-gardes allemandes sont déjà à Rouen et sur les bords de la Seine, les derniers défenseurs réfugiés dans les caves de la rue St Denis sont délogés aux lance-flammes. Rares sont les survivants.

    A travers ce terrible roman tiré de faits historiques tous vérifiés, l'auteur a voulu évoquer le courage et le sacrifice de ces hommes venus d'Afrique pour défendre la France.

     

    Prisonniers sénégalais en marche vers leur funeste destin (reconstitution d'août 1940, photo : Eric Borchet)

     Extrait :

    L’officier se retourne brusquement vers lui en lui invectivant de nouveau. Je comprends qu’il veut que le capitaine mette les bras en l’air !

    — Ich bin ein franzosich offizier ! lui répond N’Tchoréré en allemand ! Les officiers doivent être respectés !

    Posément le gradé allemand fait le tour du capitaine, le visage déformé par la haine. Il tend le bras, pose son revolver sur la tempe du capitaine. A bout pourtant, le gradé appuie sur la détente. N’Tchoréré s’écroule à genoux. Deux autres balles lui traversent le dos. Le capitaine tombe et son sang se mêle pour toujours à la terre d’Airaines.

    Près de moi, dans un geste de désespoir, deux Sénégalais se précipitent sur le nazi et sont abattus à leur tour comme des chiens. Ma colère monte, mes poings se ferment, la rage et l’écœurement envahissent ma gorge. Ce n’est plus la guerre, mais un crime. L’officier continue à hurler des ordres : cinq Sénégalais sont alignés, main sur la tête. Le criminel s’avance, toume autour d’eux en les observant et en les invectivant (je crois comprendre « affe » : singe). Jamais je n’ai vu autant d’agressivité dans un regard et dans l’intonation de la voix. Il passe derrière eux, arme son revolver et sans hésitation, il pose le bout de son lugger sur la nuque du premier malheureux. Comme un boucher, il les abat tour à tour d’une balle dans la nuque. Mes yeux ne peuvent retenir des larmes de honte, honte d’appartenir à sa race. A côté de moi mes deux Sénégalais ne bougent pas. Des larmes aussi coulent, laissant des lignes noires sur leurs masques de poussière blanche. L’assassin s’avance vers moi, braque son pistolet dans ma direction. Je crois que ma vie s’arrête ici. Je ferme les yeux. Il hurle :

    — Richtung Dromesnil ! (direction Dromesnil !)

     

    L'enfer d'Airaines

     

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