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    Fécamp

    La Bénédictine à Fécamp, cour d'Honneur.

     

    Fécamp (Fisci campus, Fiscanum, Fiscamurum), chef-lieu de canton, arrondissement et à 44 kilomètres au nord-est du Havre, est une ville maritime peuplée par 12 684 habitants, aujourd’hui unie à la grande ligne de Rouen au Havre par un embranchement de 19 kilomètres qui s’y soude à la station de Beuzeville-Bréauté.

    Elle semble devoir son origine à une fameuse abbaye de femmes, fondée en 664 par un baron du pays de Caux, nommé Waninge, qui s’était voué au culte du Seigneur. Ce monastère contint jusqu’à trois cents religieuses ; mais il fut détruit par les pirates normands en 841. On raconte que, pour se soustraire aux outrages des pirates, les nonnes s’étaient défigurées par d’horribles mutilations ; elles furent massacrées pour la plupart. Quelques-unes, qui n’avaient pu se résoudre à se défigurer comme leurs compagnes, s’échappèrent et emportèrent avec elles les reliques de saint Waninge, patron de l’abbaye.

    Richard Ier, duc de Normandie, rebâtit le monastère en 988, le plaça sous l’invocation de la Sainte-Trinité et en fit une abbaye de bénédictins, qui parvint bientôt à un degré de puissance et de splendeur remarquable ; elle subsista jusqu’au XVIIIe siècle. Les ducs de Normandie y séjournaient quelquefois. La ville, qui peu à peu s’éleva et s’accrut à l’ombre de cette abbaye, devint une ville de pêche, renommée, dès le XIIIe siècle, pour ses harengs. Souvent dévastée pendant la guerre de Cent Ans et plus tard pendant les guerres de religion, elle offre encore aux regards curieux de l’antiquaire quelques vestiges d’un château bâti par Guillaume Longue-Épée et l’église, monument historique, encore bien conservée, qui faisait partie de l’abbaye. C’est un édifice dans lequel on reconnaît les styles les plus divers, l’ensemble se composant de constructions entreprises à des époques différentes, depuis le XIe jusqu’au XVIe siècle. On y conserve la relique du précieux sang, que contiennent deux tubes en plomb, placés dans une espèce de ciboire. Cette relique attire encore un grand nombre de pèlerins à Fécamp ; elle est exposée à certaines époques de l’année, et il se fait en son honneur deux processions. Outre le chœur, on y remarque surtout l’élégante chapelle de la Vierge et ses belles verrières.

    Fécamp

    La Bénédictine à Fécamp, musée, oratoire extérieur.

     

    Fécamp est encore aujourd’hui (en 1881) une ville importante pour la pêche ; son port, qui se compose d’un vaste avant-port, d’un bassin à flot et d’une retenue, est un des meilleurs de la côte ; il est défendu par trois batteries. Les vaisseaux d’un fort tonnage peuvent y entrer en tout temps, et elle envoie annuellement un assez grand nombre de navires à Terre-Neuve, pour la pêche de la morue ; les produits de cette pêche s’élèvent annuellement à près de 2 500 000 francs ; ceux du hareng, du maquereau et autres poissons frais à 2 000 000 de francs. Fécamp est située sur la Manche, à l’embouchure des rivières de Ganzeville et de Valmont, à 228 kilomètres de Paris et à 86 de Rouen, par le chemin de fer. Elle s’étend sur un espace de plus de 4 kilomètres, entre deux rangs de collines jadis boisées, maintenant en partie cultivées. Elle possède des sources minérales, des bains de mer, des chantiers de construction pour les navires, des ateliers pour la construction des machines, des filatures de coton, des tissages mécaniques, des fabriques de filets, des forges , des moulins, des tanneries, des ateliers de salaisons, des brasseries et une fabrique de liqueur dite bénédictine de Fécamp. Elle exporte de la houille, du chanvre, du goudron, des bois de construction ouvrés. Les armes de Fécamp sont : de sinople, à trois tentes, deux et une, d’argent, ouvertes du champ, celle de la pointe plus haute ; au chef cousu d’azur chargé d’un faucon essorant, tenant dans ses serres une corne d’abondance d’où s’échappent des graines, le tout d’argent.

     

     
     Extrait de :

    Villes & Villages
     LA SEINE MARITIME
     Histoire - Géographie - Statistique - Administration
     
      V.-A. Malte-Brun
     
      15 x 21 cm - 134 pages avec illustrations
     
     
     
     
     
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    L’usage des thermes romains s’est poursuivi en Somme sous le nom d’étuves. Présents dans les villes, ces hôtels de bains étaient aussi des lieux où la morale avait parfois à gémir.

    Les bains publics s’appelaient thermes chez les Romains ; c’étaient des établissements très confortables dans lesquels le public prenait des bains froids, chauds ou des bains de vapeur ; près de la salle balnéaire se trouvait une étuve dans laquelle des esclaves frottaient le corps des baigneurs et le râclaient avec des instruments appelés strigiles.
    Plus loin existait un gymnase où le public pouvait se livrer aux exercices du corps, pour entretenir sa vigueur et sa souplesse. Enfin suivaient de longues galeries à colonnes pour servir de promenoir ; une bibliothèque, des jardins complétaient ces établissements d’utilité publique.
    On a retrouvé des thermes à Beaulieu, près de Saint-Quentin, et au village d’Athies qui fut un palais royal de Clotaire Ier : La reine sainte Radegonde, pendant les séjours qu’elle fit dans ce palais, s’occupait, selon ses actes, à laver dans les thermes les femmes pauvres et indigentes.
    La présence de ces bains romains à été constatée à Amiens, à Senlis, à Champien et au Mont-Berny dans la forêt de Compiègne. Le château de Bains situé sur la voie romaine qui passe à Rollot et à Boulogne-la-Grasse, est une indication certaine de bains romains existant en ce lieu. C’étaient des bains naturels ou des eaux thermales ; on a retrouvé des conduites d’eau, des hypocaustes, des tuyaux en terre cuite et en plomb.
    L’usage des bains a passé des Gallo-romains aux Francs, et a subsisté dans plusieurs villes de Picardie ; mais ces établissements où se prenaient les bains publics portaient le nom d’ETUVES.

    À Amiens, il y avait l’Hôtel des étuves, situé près du Petit-Quai et réservé exclusivement aux hommes ; les étuves des femmes étaient placées dans la chaussée Saint-Leu. Ces étuves constituaient un vaste établissement servant tout à la fois de bains publics et d’hôtellerie où l’on trouvait la table et le logement.

    La ville de Péronne avait aussi ses étuves placées sur la paroisse Saint-Sauveur, dans la rue de Beau-Bois ; elles furent transférées, plus tard, rue des Naviages. Cet utile établissement devint par la suite un lieu de plaisir, le rendez-vous habituel des désœuvrés, des galants et des chevaliers d’industrie.
    On s’y baignait, on y jouait à différentes sortes de jeux ; la morale publique avait souvent à gémir sur ce qui se passait dans ces étuves, et l’échevinage dut intervenir pour mettre un frein à ces désordres.
    En effet, dans une séance tenue à la maison de ville, le 28 mars 1412, le corps municipal fut d’accord que pour éviter les noises et débats, qui se produisaient dans les étuves, il n’y aurait pour les diriger qu’une femme âgée au moins de quarante ans. Malgré ces prohibitions, les filles de joie envahissaient ces bains publics, et le 10 décembre 1485, l’échevinage renouvelle ses prescriptions :
    « Quant aux ordonnances qui ont été faites sur les filles de joie et dames des étuves, a été délivré que ladicte ordonnance tiendra ; et si lesdites filles se veulent tenir en la rue que l’on dit de Péronnelle, faire le pourront sans demeurer, ni converses aux étuves, ni y coucher. »
     

    Cependant les officiers municipaux voyant que la liberté qu’avaient les filles de joie de se loger où elles voulaient, interdisait aux honnêtes gens la fréquentation des étuves, firent construire, en 1518, un lieu public à usage d’étuves, pour les rassembler toutes, ce qui constituait une maison de tolérance.
    Les étuves de Péronne étant devenues le rendez-vous des galants et des libertines, il s’ensuivait des rixes parfois sanglantes.
    L’échevinage fut obligé d’intervenir pour faire cesser ces désordres, comme on le voit dans une déliberation du mois d’août 1491 :
    « Il est venu en nostre congnaissance que le jour Saint-Laurent dernier passé, environ quatre heures après-midi, Protin de La Ruelle, fils de feu Jehan de La Ruelle, meu de mauvais corege (colère) cela en la maison des étuves de cette ville ; en la rue des Naviages, où il frappa à la tempe une fille de joie nommée Mariette-Simplette. »
    Il fut aussi défendu de fréquenter les étuves, après l’heure du couvre-feu, et surtout d’y coucher.
    Enfin ces établissements étant devenus un lieu de débauche cessèrent d’être fréquentés par les « femmes et filles honnestes » et tombèrent ainsi sous le mépris général : l’usage des bains publics cessa d’exister. Les prédicateurs même déclamèrent en chaire contre les étuves, les mettant au rang des lieux où la vertu était déshonorée.
    Les étuves établies à Montdidier, près de la rivière ne jouissaient pas d’une meilleure réputation que celles de Péronne. Non seulement elles étaient un lieu de prostitution, mais ceux qui les fréquentaient étaient atteints du mal de Naples, et parfois de la peste, en temps d’épidémie. Pour atténuer ou arrêter la contagion, une ordonnance de police du 27 juillet 1497, fait défense à Binet de Willes de chauffer les étuves, sous peine de bannissement de la commune. En même temps l’échevinage fait chasser de la ville trois filles atteintes du mal de Naples, et fait défense « à toutes autres que elles ne soutiennent ni ayent compagnie avec aucun ayant inconvénient ou soupçon de ladite maladie sous peine d’être punies et bannies de la « ville. »

    Lieux de bains publics et de libertinage...


    La réputation de libertinage des étuves de Montdidier était si bien établie, que le cordelier Menot, célèbre prédicateur, en fait une mention spéciale dans ses sermons du mercredi de la semaine sainte et les compare à un lieu de prostitution.
    « Il y a douze ans, dit-il, que je passai par Montdidier, il y avait des étuves publiques, ce qui ne vaut pas mieux qu’un b... ».
    Lupanar enim est locus ubi sunt meretrices. Si in domo cqnonici est meretrix : C’est bordeau.

    Les villes de Roye, de Ham, de Chauny possédèrent aussi des étuves publiques qui eurent le même sort que celles des localités voisines, malgré les soins des chirurgiens, barbiers-étuvistes.


    Emile Coët

     

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  • Situé à la pointe d’une montagne d’où la vue a beaucoup d’étendue et au confluent de deux ruisseaux. A n’en juger que par les ruines, il paraît avoir été considérable, et ces vers qui s’y lisent encore (en 1897) sur une pierre dans l’intérieur en convaincront aisément les curieux :

    Jadis aux fiers Normans j’ai servi de retraite (L'an 886) 
    Et de mille ennemis j’ai causé la défaite.
    De fameuse partout l’on me donna le nom
    Et le peuple de là me nomma Famechon.
    L’Angles victorieux n’aient pu me réduire (L'an 1346)
    Rasa Dargy, prit Poix, me craint et se retire.
    A l’abri de mes murs, mes fortunez voisins
    Rompirent de l’ennemi les perfides desseins
    Mais chez moi du Lorain les lignes étant venues
    Je vis mes dix-sept tours par lui-même abbatues. (L'an 1592).
    Belle leçon, lecteur, à la postérité
    Pour qui manque à son roi dans la fidélité.
     

    Le château de Famechon


    Ce château, qui tint si grande place dans les soucis de l’échevinage d’Amiens, à la fin du XVIe siècle, était au sud-ouest du village, sur un énorme terre-plein ménagé au sommet de l’éperon de la colline, au confluent de la rivière des Evoissons et de la Bief ou rivière de Poix. Les deux vallées lui formaient de profondes douves naturelles. Au troisième côté du triangle on avait simplement pratiqué une coupure qui est aujourd’hui encore un véritable ravin. Son importance est attestée par la force de sa position, par l’étendue de ses ruines, par ce fait qu’on estimait en 1592 que, pour le démolir, il faudrait le travail de « 150 ouvriers ung mois durant, outre les païsans, et qu’au moins 4 milliers de pouldre seroient nécessaires pour faire saulter le donjon ». Le dessin qu’en a reproduit en 1648 Jean Boisseau, enlumineur du Roi, nous montre l’état où l’avait mis l’échevinage d’Amiens cinquante ans auparavant.
    Il est probable qu’il fut visité au XIVe siècle par les Jacques, sur le chemin desquels il se trouvait de Thoix-Offoy à Poix et Lignières. A la fin du XVe siècle et au XVIe, pendant les absences des seigneurs qui guerroyaient et faisaient leur cour près des princes de Bourgogne et de l’empereur, il s’y trouvait toujours un capitaine ou châtelain et une garnison. De là sont partis les seigneurs, aux XVIe et XVIIe siècles, pour donner à leur seigneurie le qualificatif de châtellenie et pour prendre eux-mêmes le titre de châtelains que n’avait aucun de leurs prédécesseurs.
    En 1514, le Roi y fit un séjour.

    L’histoire en apparaît surtout active pendant les troubles de la Ligue. L’échevinage d’Amiens fournit armes et munitions de toutes espèces tant que le château fut aux mains des troupes ligueuses, c’est-à-dire, jusqu’au cours de l’année 1591. En 1593, un des trois jours qui précédèrent « l’Erreur d’Aumale », Mayenne et le duc de Parme le reprirent en passant, et la démolition en fut de suite décidée et entreprise pour éviter qu’il retombât une seconde fois à l’ennemi.
    De l’important château fort de Famechon, construit en 1046 par Gauthier Ier Tyrel et Alix de Frémontiers, sa femme, il ne reste plus aujourd’hui que quelques ruines couvertes de mousse et de broussailles ; les souterrains et les fossés sont dans le plus complet abandon ; c’est le capitaine Clairy qui fut chargé de présider à la démolition de cette forteresse, ainsi qu’on le voit par une délibération de l’échevinage d’Amiens du 25 avril 1592.

    Déjà, en 1472, Charles le Téméraire, qui s’en était emparé, avait fait procéder à une démolition partielle de ce château. Famechon servit souvent de résidence aux gouverneurs de Picardie et plusieurs rois y séjournèrent. La table de pierre portant l’inscription rapportée par le P. Daire n’existe plus. Le premier château de Famechon avait été construit en 1046 par Gauthier Ier Tyrel afin de mieux couvrir sa forteresse de Poix. Quelques jours avant la bataille de Crécy, le roi d’Angleterre s’étant emparé de Poix, les soldats de la garnison de cette ville se retirèrent au château de Famechon et, après le départ d’Edouard et de ses troupes, tombèrent à l’improviste sur son arrière-garde ; les troupes anglaises revinrent sur leurs pas, brûlèrent Poix et démolirent ses deux châteaux.

    Père Daire

     

     Extrait de :

    Villes & Villages
     POIX DE PICARDIE ET SON CANTON
     

      M.G. Beaurain

     
      15 x 21 cm - 180 pages avec cartes postales anciennes, plans, photos N/B récentes
     
     
     
     
     
     
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    Dès le XVIIe siècle, alors que les gazettes naissantes n’étaient encore que de sèches chroniques hebdomadaires, c’est par les nouvellistes que les informations circulaient sous le manteau.
    Dans un coin de jardin public ou autour du poêle de quelque café, quelle joie pour ces infatigables oisifs de deviser des échos de la cour et de la ville, de décider en paroles des affaires du royaume.

    Les journaux qui ont paru dans le département de la Somme au cours de cette période sont au nombre de quatre :
    1°) « Annonces, affiches et avis divers de Picardie (etc) ».
    Numéros conservés : de janvier 1770 à l’an XI.
    2°) « Le courrier du département de la Somme » à partir de juillet 1790.
    3°) « Le journal général de la République française », à partir de mars 1793.
    4°) « La Décade », à partir du 9 pluviôse an VI (28 janvier 1798).

    Deux de ces journaux donnent, sans commentaires, des informations sur les événements politiques : Le Courrier du Département de la Somme et Le journal général de la République française.
    Les Annonces, affiches de Picardie, sont par contre, un journal d’annonces diverses.
    Le journal de la République, et La Décade, donnent uniquement les nouvelles officielles (comme Le Moniteur qui paraissait à Paris), et cela sans prise de position purement politique.
    Le département ne paraît pas avoir, pendant la Révolution, de presse vraiment engagée. Seul Le Courrier du Département prend position sur les événements, mais pendant une courte période, de juillet 1790 jusque 1791. Ainsi, dans les années ardentes de 1793 et l’an II, Le département ne paraît pas avoir eu de presse libre ou partisane, ni de journaux de combat. Il faut remarquer que si les hommes politiques d’Amiens, dAbbeville et des autres villes de la Somme furent d’abord favorables à la Révolution, ils restèrent modérés. A partir de 1793, évident fut l’ascendant d’André Dumont, le fougueux député montagnard. Or celui-ci ne se sert pas de la presse pour se faire connaître ou obéir. Il devient populaire dès son élection à la Convention en septembre 1792.
    Il manifeste son autorité au cours de ses multiples périples dans le département de la Somme et dans le Boulonnais.
    Une presse qui ne donnait que des annonces officielles suffisait sans doute aux citoyens de la Somme. De ce fait, les pouvoirs locaux comme les citoyens eux-mêmes ont suivi, sans trop de conflits, les directives du pouvoir central, les ordres de Dumont.

    1°) Le plus important de ces journaux paraît dès 1770, sous le titre :
    « Annonces, Affiches et Avis divers de Picardie, Artois, Soissonnais et Pays-Bas français. »

    En 1778, on retranche les Pays-Bas français et d’Artois. Le titre devient alors : « Affiches, Annonces et Avis divers de Picardie et du Soissonnais ».
    En 1790, le titre devient : « Affiches du département de la Somme ». Il est édité chez Godard, libraire à Amiens, d’abord rue des Rabuissons, puis rue Saint-Méry. Après lui, en août 1777, l’imprimeur-éditeur sera Jean-Baptiste Canon l’aîné, place du Périgord à Amiens.
    Il paraît tous les samedis, en une feuille grand in-4°. A partir du 6 janvier 1770, le prix s’élève à 7 l. 10 s. par an. En 1792, il atteint 9 livres. Le dernier numéro est daté du 9 floréal an IX (29 avril 1801). A partir du 1er nivôse an II, il ne paraît plus que les 10, 20, 30 de chaque mois, jours de Décade.

    C’est en premier lieu un journal d’annonces, avec en plus des articles divers sur l’agriculture, le commerce, les arts, la littérature, la jurisprudence, la médecine, l’hygiène, des recettes, des nouvelles de la province, les arrêts du Conseil d’état du Roi, les décès, les mariages, l’entrée des navires dans les ports de Dunkerque et de St-Valery, le prix des grains, les livres nouvellement parus. En 1792, la première page donne toujours les biens à vendre ou à louer, les divers objets à vendre, les demandes d’emploi. On trouve dans les pages suivantes les prix des gains, les observations météorologiques, les incendies, les cérémonies à Amiens, les spectacles, les adresses au Roi, les livres nouveaux parus chez Caron l’aîné, et aussi des poésies, des logogryphes, des fables, des bouts-rimés, des charades, des extraits du Registre aux délibérations de la municipalité d’Amiens et du Conseil du Département.
    Le n° 44 des Affiches du département de la Somme (3 novembre 1792) publie un article signé Babeuf : « Aux acteurs du théâtre d’Amiens », article reproduit par Maurice Dommanget dans son livre : « Pages choisies de Babeuf ». Celui-ci était déjà connu dans le Santerre et l’Amiénois, et il est intéressant de souligner cet article, dans un journal qui donnait peu d’avis politiques en général.
    Jacques Foucart a signalé un autre article de Babeuf paru dans le n° du 16 juillet 1791 des « Affiches ».
    Le 5 octobre 1793, le journal publie in extenso la loi sur le Maximum des prix, loi qui vient d’être votée. Tous les tableaux de taxation des prix sont donnés à la suite.

    Quatre journaux de la Révolution (1770-1801)

    On se réunissait pour apprendre les nouvelles soit en lisant les gazettes soit en prêtant l’oreille
    aux propos des colporteurs.


    2°) « Le Courrier du département de la Somme ».
    Il paraît à Amiens en 1790/1791 in 8 :
    Le rédacteur était J.-C. Duméril, avec Caron-Berquier comme imprimeur. Ce journal donne des articles d’information et de politique.
    Des numéros sont conservés à la Bibliothèque Nationale et à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris. La Bibliothèque d’Amiens n’en possède pas. Les Archives départementales de la Somme non plus.

    3°) « Journal général de la République française ».
    Ce journal est publié à Amiens de mars à juillet 1789 (19 n°). Il paraît chaque samedi (8 pp. in 4°). Le rédacteur-imprimeur est Caron-Berquier, rue Saint-Martin à Amiens. Son prix est de 7 l. 10 s. par an
    Ce journal comporte les nouvelles officielles, le compte-rendu des séances de la Convention, quelques nouvelles du département : tribunaux, armées, nouvelles de l’étranger parfois. Il n’y a aucune annonce ni avis divers, sauf celui des livres en vente chez Caron-Berquier.

    4°) « La Décade du département de la Somme ».
    Paraît à Amiens tous les dix jours, du 29 pluviôse an VI (17 février 1798) au 30 nivôse an VIII (20 janvier 1800) (en deux séries). Ce journal comporte 4 pp in 4°. Certains numéros comportent 6 pages.
    Le rédacteur est Demanche à partir du 19 brmaire an VIII (10 novembre 1799) et l’imprimeur Patin et Cie, rue des Sergents.
    C’est un journal d’information commerciale et littéraire comprenant diverses rubriques : législation dans chaque numéro, plusieurs pages avec un extrait du Bulletin des lois ; Tribunal criminel du département de la Somme ; Administration ; Biens nationaux ; Commerce ; Bourse ; Cours des changes, des lingots d’or, les lingots d’argent; Cours de l’épicerie ; Avis, annonce ; demandes des particuliers ; Contrats d’immeubles ; Littérature ; Vers du citoyen Lecat d’Abbeville ; Nombreuses poésies conventionnelles, imitées de Martial, par Loisel de Rue, administrateur du département de la Somme. On lit dans le n° de frimaire an VII : Compte-rendu, rien sur les événements, ni sur la politique.
    Ce journal devient en 1802 le Bulletin de la Somme.


    Robert Legrand (reproduction autorisée par l’auteur). 

     

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  • Au large de Cayeux-sur-Mer...

    Dans l’histoire, les ports de Saint-Valery et du Crotoy furent relativement peu touchés par des tempêtes maritimes, parce que protégés par les contours de la baie et par ses bancs de sable. De même que le port du Hourdel pourtant à la Pointe du même nom mais abrité derrière son poulier (bancs de sable et de galets) et à l’intérieur d’un chenal.

    Par contre, Cayeux-sur-Mer qui n’est qu’à 4 km du Hourdel, situé sur une côte rectiligne face au grand large, à très faible altitude au-dessus du niveau de la mer, les a toujours subies de plein fouet.
    Dans son ouvrage « Histoire des 5 villes, 300 villages, hameaux et fermes » paru en 1863, l’écrivain abbevillois E. Prarond a relaté ces drames cayolais du XIXe siècle. Il y rapporte l’article du Journal d’Abbeville en date du 5 octobre 1833 et signé du nom de L’explorateur picard, tout en précisant qu’il pèche par quelque arrangement systématique. Il témoigne néanmoins de la férocité de la mer en cet endroit, ainsi que des mœurs locales à cette époque. Le voici donc, avec la traduction en français des passages en patois picard :
    « ... nous entrâmes dans le bourg de Cayeux dont les maisons, rassemblées sans ordre et alignement, semblent avoir été éparpillées à plaisir par un ingénieur capricieux et baroque. Une partie de la population était en deuil ; la mer quelques jours auparavant s’était soulevée, furieuse, impitoyable ; elle avait englouti dans ses ondes salées, grand nombre de ses explorateurs intrépides, hommes amphibies, familiarisés avec ses dangers et qui, bravant son inconstance, s’éloignent du foyer conjugal pour rapporter, des climats lointains, les productions que la mer n’a pas accordées aux nôtres, ou procurer à nos gourmets les mille espèces de poissons qui doivent flatter plus ou moins leurs palais délicats. Quelques-unes de ces malheureuses victimes étaient de Cayeux ; elles laissaient des veuves et des enfants dans la désolation. Pendant neuf jours, on avait vu des familles entières errer sur la plage humide pour redemander aux vagues les cadavres de leurs proches. La mère avait retrouvé son fils, l’épouse son mari. On les avait rapportés à Cayeux et le jour de mon arrivée était celui de leurs funérailles. La cloche de l’église paroissiale ébranlée par des bras salariés retentissait depuis plusieurs jours et portait aux oreilles des paisibles Cayolais des sons tristes et lugubres : c’était le glas funèbre, le signal de la mort. La cloche semblait partager la douleur générale et ne résonnait plus les chants d’allégresse qu’elle exprimait naguère pour un mariage.
    Les convois avançaient lentement, précédés de la croix argentée et des chantres en surplis, dont les voix sépulcrales psalmodiaient des chants funéraires. Au milieu d’une foule de peuple on remarquait à leurs habits de deuil, à leurs énergiques lamentations, les parents des défunts.

    Une épouse s’exprimait ainsi :
    — Pauvre Jacques, t’as donc pu r’nir pour foere boulir ten pichon à l’caudière ! (...tu n’as donc pu revenir pour faire bouillir ton poisson à la chaudière !)
    — Eh ! Qu’est-che qui mettro l’bieu capé que j’tai acaté à l’trotrie ? (Qui est-ce qui mettra le beau chapeau que je t’ai acheté à la trotterie ? – foire annuelle de St Valery)
    — Qu’est-che qui buvro l’chopène dieu-d’-vie de l’s’mène ? (Qui est-ce qui boira la chopine d’eau-de-vie de la semaine ?)

    — Qu’est-che qui coucro aveu mi à c’t’heure ? (Qui est-ce qui couchera avec moi maintenant ?)
    — Qu’est-che qui m’caressro ? (Qui est-ce qui me caressera ?)
    — Tu disoes d’acater un baté neu ; tu n’savoues point qu’i t’in auroe fallu in où tu n’peux t’nir qu’ti tout seul ? (Tu envisageais d’acheter un bateau neuf ; tu ne savais pas qu’il t’en aurait fallu un où tu ne pouvais tenir que toi seul ?)
    — Ah ! pauvre Lazerre, pourquoi n’t’es-tu point méfiai du coup d’vint d’aval ? (Pauvre Lazare, pourquoi ne t’es-tu pas méfié du vent d’aval ?)
    D’un autre côté, une jeune fille chantait ainsi sa douleur :
    — Min por quiot Pierr ! o devoêmes nous marier mardi qui vient ; t’vlo marié avec ches pichons. (Mon pauvre petit Pierre ! nous devions nous marier mardi prochain ; te voilà marié avec les poissons)
    — Qu’est-che qui m’consolro ? Qu’est-che qui m’fro denser les dimenches ? (Qui est-ce qui me consolera ? Qui est-ce qui me fera danser les dimanches ?)
    — Qu’est-che qui rempliro m’hotte pour aller vendre à l’ville ? (Qui est-ce qui remplira ma hotte pour aller vendre à la ville ?)
    — Ah ! mondiu, t’étois si vartillant près d’mi ; à présent, t’es cleué dens in’ boëte, et tu ne r’mues pu ! (Ah ! mon Dieu ! tu étais si vivant près de moi, à présent, tu es cloué dans une boîte, et tu ne remues plus).

    Les drames maritimes au XIXe siècle

    Ces expressions de douleur étaient interrompues par les pleurs et les plaintes d’autres individus. Un père parlait de faire abattre la maison qu’il avait fait bâtir pour son fils, un autre de brûler les habits qu’il lui avait achetés. On se serait cru au milieu d’une population de la Gambie (pays d’Afrique enclavé dans le Sénégal). Cependant, les funérailles terminées, les affligés revinrent à la joie ; on entra dans les cabarets, on se passa les verres d’eau-de-vie de main en main, et les marins burent au repos de leurs frères en attendant le jour où ils subiraient peut-être le même genre de mort. »
    Précisons également qu’il y avait deux populations différentes dans Cayeux : les habitants du bout d’aval qui cultivaient la terre et ceux du bout d’amont qui étaient marins, et que ces deux populations avaient peu de communications entre elles.
    Pour simple mémoire, ajoutons qu’une baleine s’est échouée sur la côte devant Cayeux en 1810. Remarque : Il n’y a pas que des hommes qui soient des naufragés des mers.

    Mais revenons aux tempêtes : surtout celle de la nuit du 9 au 10 mars 1842, un véritable ouragan qui provoqua des désastres épouvantables sur toute la côte, en particulier à Cayeux.
    Du texte d’E. Prarond, j’ai tiré l’essentiel.
    Un chasse-marée (bâtiment côtier à trois mâts) en provenance de Fécamp, de 48 tonneaux, avec 3 hommes d’équipage périt corps et biens à 4 km de la Pointe du Hourdel, tandis qu’à peu de distance, un bateau de pêche de Boulogne, drossé par le vent vers Le Crotoy, disparaissait avec ses hommes. Pendant ce temps, les femmes de Cayeux s’inquiétaient pour leurs maris et fils qui étaient en difficulté sur des barques mal construites ou mal lestées. Sur 15 bateaux sortis pour pêcher, seulement 9 rentrèrent. Les 6 autres furent engloutis, presque tous hors de vue de la côte. Ils avaient tenté de s’éloigner le plus possible au large pour ne pas s’échouer. Malheureusement, le lest de ces bateaux composé de galets ronds et roulants n’était pas arrimé. En s’accumulant d’un seul côté sous les assauts du vent, cette masse de pierre les avaient fait chavirer au-delà des bancs. La désolation fut générale dans Cayeux.
    Deux jours après les naufrages, on avait relevé 12 cadavres sur la côte. Des femmes allaient, le soir, à la rencontre d’un chariot qui ramenait du Crotoy d’autres cadavres que la mer avait fait dériver sur la rive droite de la baie, compte tenu des vents d’ouest qui dominaient. On a raconté que, dans cette nuit, une femme avait vu rouler trois corps apparemment sans vie à ses pieds, sans autre mouvement que celui imprimé par les vagues les heurtant au cordon de galets de la côte. Ces trois corps étaient étroitement attachés par un câble. La dame reconnut ses deux fils et leur père. Par miracle, on put ramener ces trois marins à la vie.
    D’autres épisodes tragiques étaient racontés de bouche à oreille, au milieu des sanglots et des larmes. Les souvenirs de cette funeste nuit qui fit tant de veuves et d’orphelins étaient encore vivaces à Cayeux dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Il faut croire que chaque siècle a son drame exceptionnel, qu’il y a des tempêtes maritimes décennales comme il y a des inondations terrestres décennales.

    Pour preuves, ces brefs rappels :
    1842 : tempête dramatique sur toute la côte picarde, et surtout à Cayeux, relatée ci-dessus.
    1990 : en janvier, très forte tempête maritime qui éventre la digue du hâble d’Ault et inonde d’eau salée tous les bas-champs entre Cayeux et Ault. Le président de la république, François Mitterrand, s’était même rendu sur les lieux pour constater les dégâts, avait visité la ferme Vangrevelinge sur la route de Cayeux à Brutelles et avait été reçu à la mairie de Cayeux.

    Pour les dramatiques inondations terrestres et fluviales, rappelons celles de 1841, de 1910 et celle récente de 2001 dont la vallée de la Somme et le Plateau Picard ont beaucoup souffert.

    En matière de catastrophes maritimes, n’oublions pas le difficile et périlleux métier de marin.
    A ce propos, mentionnons qu’un habitant du Crotoy nommé Pierre Devismes a relaté son expérience de marin-pêcheur dans un ouvrage intitulé « Un siècle de pêche en mer et en baie de Somme ».

    Gérard Devismes

    Pour découvrir les ouvrages de cet auteur :

    - La vallée sous les eaux,
    Les inondations dans la vallée de la Somme et sur le plateau picard des origines à l’an 2002, essai.
    - Notre village au temps jadis,
    Vie quotidienne, activités, traditions, nature et histoire en Picardie maritime, essai.
    - Bucolique vallée de Somme,
    de la source du fleuve à son embouchure, essai.
    Histoire d'Abbeville
    - Histoire de Saint-Valery-sur-Somme

    - Les hôtels particuliers d'Abbeville et autres bâtisses remarquables, essai.

    - Histoire de l'abbevillois rural, essai.

    - Mémoires d'un fils de paysan, roman.
    - La baie, la belle et le berger, roman.

    - Histoires insolites de Picardie maritime, essai
    - Picardie maritime insolite, essai.

     

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