• BIENCOURT - Aventurier Picard, pionnier en Nouvelle-France

    Vient de paraître :

    Abandonnée pendant les guerres de religion de la seconde moitié du XVIesiècle, la conquête par la France de l’Amérique septentrionale connut un regain de gloire sous le règne d’Henri IV.
    En quelques années une Nouvelle-France se développa à partir de deux solides points d’ancrage qui fixèrent définitivement la présence française. L’un en Acadie, avec la création en 1606 du premier établissement français pérenne d’Amérique : Port-Royal. L’autre, au Canada, en 1608 sur les rives du Saint-Laurent : Québec.
    Dans notre mémoire collective, Québec reste l’œuvre incontestée de Samuel de Champlain mais on se souvient peu de Port-Royal et encore moins de ses fondateurs : Jean de Poutrincourt et son fils Charles de Biencourt.
    Ces Picards d’origine prirent le risque d’engager leurs biens et leur vie dans une entreprise incertaine.  
    Comme Sully avait convaincu le roi de ne pas participer financièrement à ces expéditions lointaines, Henri IV se limita à encourager ces aventuriers en leur octroyant, par lettres patentes, des titres honorifiques et des privilèges souvent aléatoires…  

    BIENCOURT - Aventurier Picard, pionnier en Nouvelle-France

    Charles de Biencourt, dessin de Michèle Collard, © Editions la Vague verte.


    En contrepartie le souverain exigea d’eux d’emmener des missionnaires jésuites pour assurer la conversion des peuplades indiennes à la religion catholique.
    Nos intrépides découvreurs projetaient d’installer au-delà une riche colonie agricole organisée sur le modèle féodal et dont ils seraient les seigneurs.
    Chaque voyage outre-atlantique coûtait cher : la seule fortune personnelle des Biencourt-Poutrincourt n’aurait pas suffi pour réaliser leur rêve. Aussi durent-ils se transformer en hommes d’affaires en s’associant à des marchands dans des compagnies commerciales dont les profits proviendraient du trafic des peaux de castor et de la pêche à la morue.
    Quant aux candidats à l’exil désireux de se fixer en Acadie, ils ne furent guère nombreux dans les débuts et il fallut aux Picards beaucoup d’abnégation et de persévérance pour réussir à construire leur colonie.

     
    Dans un premier essai* Jean-Claude Collard s’est attaché à suivre les aventures de Jean de Poutrincourt ; dans ce second ouvrage, il nous invite à partager la courte mais passionnante vie de Charles de Biencourt dont la bravoure ne fait pas mentir le vieil adage latin : « Qualis pater, talis filius ».
     
    * Poutrincourt, aventurier picard en Acadie, Editions la Vague verte.  

     

    Se hâter lentement…
    La mort de Charles de Biencourt et ce qu’il advint de sa colonie.
    Charles a anticipé cette désaffection des vice-rois pour l’Acadie : dès 1618, il a expédié une lettre argumentée à destination du Prévost des marchands de Paris et des échevins pour leur lancer un appel à se mobiliser pour sauver l’Acadie.  

    La réponse est tardive. Après des années d’hésitation, le 25 octobre 1622, l’échevinage de Paris interpelle par une missive toutes le villes portuaires du royaume. Quatre années se sont écoulées depuis que Charles a lancé son appel au secours… Lenteurs administratives ? Plus sûrement l’extrême prudence de quelques-uns et un manque d’intérêt pour beaucoup.
    « Nous avons considéré, écrivent-ils, que ce que nous pourrions faire de notre côté, résolus que nous sommes de faire un effort pour un si louable et généreux dessein, serait trop peu de chose pour une si grande entreprise. C’est pourquoi nous avons différé jusqu’à présent de rien avancer et avons jugé plus à propos de vous faire savoir quelle est notre intention afin que pareillement nous soyons certains de la vôtre ; et que tous unanimement portés d’un même zèle et affection, à la gloire de Dieu et de son Eglise, au service du Roi et au bien général  et particulier de tous les peuples, nous fassions valoir lesdits arrêts et commissions, pour rassembler tous les deniers comptants, vaisseaux, munitions de guerre et de bouche, marchandises de toutes sortes et autres choses qui pourront être nécessaires tant pour les voyages de long cours que pour les colonies, afin d’employer les gens inutiles, faire vivre les pauvres, participer aux fruits et aux mérites de la conversion des Sauvages. Augmenter les droits du roi par l’apport et le transport de toutes sortes de marchandises et enrichir nos concitoyens et les vôtres. À quoi nous ne manquerons de notre côté de contribuer de tout notre pouvoir… »
    C’est exactement ce que souhaitait notre héroïque gouverneur d’Acadie. Mais Charles ne connaîtra pas la réponse… car il disparaît en 1623.  [Certains auteurs disent en 1624...]
    On ignore la date précise et les circonstances exactes de la mort de Charles de Biencourt.
    S’agissant de l’année, on la peut déduire d’une lettre de son successeur, Charles de La Tour, lettre destinée au roi de France.
    « Depuis quatre ans qu’il est mort » y lit-on et comme la missive est datée de 1627, on en déduit que Charles de Biencourt est décédé en 1623, à l’âge de trente-deux ans.
    Voici d’ailleurs le texte de de la Tour :
    « Du fort Loméron en la Nouvelle-France, le 25 juillet 1627.
    Depuis l’âge de 14 ans que le sieur de la Tour, mon père, me mena en ce pays de Votre Nouvelle-France où j’ai séjourné jusqu’à présent, que j’ai atteint l’âge de 34 ans  et que j’ai été contraint de vivre ainsi que les peuples du pays et vêtu comme eux, chasser à force les bêtes et pêcher les poissons pour vivre, attendant quelque secours de la France qui, par La Grâce de Dieu, nous est arrivé ; et reçu l’honneur de l’enseigne et la lieutenance de feu Sieur de Poutrincourt jusqu’à sa mort. Lequel par son testament m’a fait la faveur de me constituer en son lieu et place, et laissé la place et l’équipage dont je me suis acquitté pour le service de Votre Majesté le plus dignement qu’il m’a été possible, sans que, depuis quatre ans qu’il est mort, j’ai reçu aucun secours ni soulagement de personne ; au contraire j’ai été et suis poursuivi jusqu’à la mort par ceux de la Grande Rivière qui se disent Français. Je suis en butte pour être couru des Anglais qui ont dessein de me faire quitter le pays à cause de l’amitié et alliance des peuples du pays.
    Comme ils ont le dessein de se saisir de la Nouvelle-France et de s’approprier la pêche des morues et la traite de la pelleterie et doivent venir faire un effort contre moi et ruiner ma place, à quoi je me suis préparé avec cent familles de mes alliés peuples du pays et ceux que j’ai ordonnés avec moi et ma petite troupe de Français. Je me suis maintenu et espère me maintenir pour le service de Votre Majesté pour la conservation du pays ou y mourir avec gloire…
     Je ne puis avoir d’autre recours que supplier Votre Majesté de ne pas laisser perdre un aussi beau pays et que me soit donné et délivré commission pour la conservation de la côte de l’Acadie avec défense à tout autre de me troubler…Le sieur de La Tour mon père en forme la poursuite auprès de Votre Majesté, … »  
    Dans cet écrit on retrouve des termes identiques à la supplique de Biencourt aux bourgeois de Paris : mobilisez-vous pour sauver l’Acadie. Il est à noter que Charles de Biencourt y est appelé comme son père : le sieur de Poutrincourt.

     Les circonstances de la mort de Charles restent ignorées à ce jour : aucun récit connu des contemporains ne les évoque et la correspondance de La Tour reste totalement muette sur le sujet.
    Bien sûr plusieurs hypothèses ont été avancées.
    Pour Adrien Huguet(1932), reprenant Rameau( 1877) et Lauvrière (1922) :
    Biencourt serait mort : «miné par la misère et l’épuisement »…
    Si le mot « misère » est pris dans le sens de « pauvreté », on reste sceptique : que sont devenus les milliers de livres rapportées par la vente des peaux ?
    Si une partie a été destinée à l’entretien de la seigneurie de Saint-Just ou au remboursement des dettes que Jean de Poutrincourt avait multipliées pour son établissement à Port-Royal, une autre est restée dans les mains de Charles de Biencourt qui s’en est servi pour l’achat de munitions, d’objets pour le troc et de denrées alimentaires : vin, farine, etc. Biencourt n’est sûrement pas mort dans le dénuement…
    Pour d’autres auteurs, il aurait été assassiné par des trafiquants malouins (on se rappelle de la tentative d’assassinat au poste de Saint-Jean), ou bien empoisonné par son successeur La Tour, pressé de lui succéder (d’où son silence sur les circonstances). Voire même encore “dépêché” à l’instigation de jésuites revanchards…La Chenaye-Desbois écrit en 1765, dans son « Dictionnaire de la Noblesse », en parlant de la mort de Charles : « soit que les jésuites, qui l’avaient excommunié, aient avancé ses jours, comme c’est le bruit commun… »
    Il est plus vraisemblable que, menant une vie nomade à la manière des Micmacs coureurs de bois, il soit mort de maladie (la tuberculose, la pneumonie, la dysenterie ou même le scorbut étaient fréquents sous ces latitudes) ou encore d’une mauvaise blessure.

     

    Pour commander ce livre...

     

    « Qui se souvient des pommes d'antan ?Les cartes postales du jour... Dieppe »

    Tags Tags : , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :